Introduction
L’éthique des devoirs ou déontologisme évalue « une bonne action sur le fait qu’elle est requise par une loi morale ». Pour Kant, l’un des plus éminents déontologues, l’Homme est libre, unifié et guidé par sa raison pratique. Il n’agit que par pur respect de la loi morale, qu’il se pose lui-même. L’une des plus vieilles lois qu’avaient établies les grands philosophes tels que Confucius était qu’il ne faut pas faire à autrui ce qu’on ne voudrait pas qu’on nous fasse. Cette règle, bien que simple dans sa conception et dans le raisonnement qui permet d’y aboutir, permet de juger de la moralité d’une action posée. Dans le cadre de ce projet, on posera de façon analogue une règle stipulant qu’il faut surveiller les individus grâce aux appareils connectés. Pour trancher sur l’éthique de la surveillance, on testera cette règle en vérifiant qu’elle respecte les trois principes fondamentaux de la déontologie, à savoir le principe d’universalisation, le principe de dignité humaine et le principe de législation. Si l’un de ces principes venait à ne pas être vérifié, la loi serait donc aussitôt jugée immorale.
Analyse
Lorsqu’on la soumet au principe d’universalisation, il semble déjà que la loi posée soit ébranlée. Bien que l’on puisse arguer du fait qu’elle n’entraîne pas la destruction de l’humanité, et qu’on puisse faire l’hypothèse qu’il soit possible de surveiller tous les appareils connectés du monde, il semble qu’elle aille à l’encontre des intérêts fondamentaux des êtres humains. En effet, la surveillance induit entre autres la perte de la vie privée et de la liberté d’expression, puisque les êtres humains contrôleront ce qu’ils diront ou feront par peur de représailles ou de réprimandes. Dès lors, l’universalisation de cette règle semble déjà compromise.
Si on fait l’impasse sur le fait qu’elle ne semble pas respecter le premier principe, on peut soumettre la loi à celui de la dignité humaine. Ici encore, il peut y avoir débat quant au respect de ce principe par la règle. En effet, la surveillance des individus est effectuée pour récolter des données, dans le but de servir des intérêts qui ne sont pas forcément les leurs. Dans le cas d’un État, on peut considérer que la surveillance soit un moyen d’assurer la sécurité de la population, ce qui serait dans son intérêt. Mais dans le cas d’une entreprise qui collecte des données pour les revendre et faire des bénéfices, cela sert uniquement à servir ses objectifs propres, en considérant l’individu comme un produit et non plus comme un individu. De plus, surveiller l’autre ne signifie pas qu’on veille sur lui. Dans certains cas, la surveillance pourrait être utilisée comme un moyen de réprimander un individu, ce qui sort du cadre de la bienveillance prôné par le principe de dignité humaine.
Finalement, si on omet le fait qu’elle n’a pas passé les deux premiers tests, on peut soumettre la loi au principe de législation. Là encore, la loi ne respecte en rien le principe énoncé. En effet, la surveillance induit que les actes posés par un individu sont connus, si pas de tous, au moins de plus de personnes que lui uniquement, ce qui est en contradiction avec le test de la publicité. De plus, on peut se questionner sur la capacité de la surveillance des appareils connectés à contribuer à la construction des institutions d’un monde idéal. Ce dernier argument dépend principalement de ce qui est entendu par monde idéal, mais si la liberté ou la vie privée en font partie, il est clair qu’elle n’y contribue pas.
Conclusion
Si on considère l’éthique des devoirs, la loi disant qu’il faut surveiller les individus grâce aux appareils connectés est immorale. Aucun des principes de la déontologie n’est respecté totalement ou sans équivoque. Des trois éthiques étudiées dans ce projet, c’est sans aucun doute celle qui est la plus catégorique et tranchée sur la question de la moralité de la surveillance.