Introduction
Selon Aristote, une personne ne peut être heureuse que si elle est vertueuse, c'est-à-dire si elle a acquis et pratique les vertus. Les vertus sont des dispositions morales relatives permettant d'éviter l'excès (qu'il soit positif ou négatif) et de se situer dans un juste milieu. Par exemple, la vertu du courage est la disposition à affronter les dangers sans tomber dans la témérité ou la lâcheté.
Toute question semble intéressante à traiter par le prisme des valeurs, puisque c’est ce qui est à la base de la société et des liens sociaux qui unissent les différents êtres humains. Il semble donc essentiel de traiter toute question éthique par l’éthique des vertus puisqu’elle reste par définition une question qui traite de l’humain et de ses valeurs.
Dans cet onglet, on présentera les valeurs qui sont en accord avec la surveillance des appareils connectés et celles qui sont en désaccord, suivie d’une explication de leur intervention dans le débat, pour terminer par une courte conclusion.
Vertus en faveur
· La sécurité. Depuis de nombreuses années mais surtout depuis les différents attentats qui ont eu lieu dans le courant des années 2010 en Belgique, en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, et dans d’autres pays, les états ont développé des outils de surveillance des individus présentant un danger pour la sécurité de la population. De nombreux attentats ont été déjoués grâce à cette surveillance, en collectant des informations sur certains individus en phase de radicalisation, ou en interceptant des conversations sur le lieu et le moment d’une attaque. En Belgique, la surveillance permet également de lutter contre des cartels de drogue qui sévissent notamment à Anvers, en interceptant la marchandise et évitant ainsi qu’elle ne puisse être écoulée auprès de la population.
· La justice. La surveillance permet de collecter des informations sur les individus, connaître leurs déplacements, les lieux où ils se rendent, les personnes qu’ils rencontrent, les activités qui les occupent. Connaissant tout cela, il est donc possible de déterminer si telle ou telle personne a commis un délit, et donc poser un verdict plus juste, car il serait en adéquation avec les actes réellement commis par l’individu, sans en amplifier ou en atténuer la gravité.
· La performance. Dans l’industrie, les machines sont surveillées au moyen d’indicateurs afin de prévoir le meilleur moment pour réaliser des opérations de maintenance, détecter des défauts, évaluer leur productivité, etc., tout cela dans le but d’augmenter leur performance. Dans une entreprise, en plus de surveiller la performance des machines, il peut également être intéressant d’évaluer la performance des individus, par exemple en vérifiant les sites qu’ils consultent durant leurs heures de travail, en surveillant le temps passé sur telle ou telle application. Cela permet à l’entreprise de prendre des décisions concernant ses employés, de récompenser les plus performants et d’essayer d’élaborer une stratégie pour augmenter ses performances et sa rentabilité globales.
· Le contentement. Dans le cas d’applications, de sites de vente, de la publicité, il est intéressant de connaître les habitudes d’un individu, ses centres d’intérêt, ses besoins, afin de pouvoir le conseiller au mieux et l’orienter vers la solution ou le produit qui lui convient le plus.
Vertus en défaveur
· La liberté d’expression. Le risque de surveiller les appareils connectés est que les gens se sentent épiés et contrôlés en permanence, et finissent par s’autocensurer afin d’éviter le jugement de leurs pairs et les répercussions qui pourraient en découler.
· Le libre arbitre. En conséquence à la perte de la liberté d’expression, les individus peuvent se sentir contraints de suivre une norme de pensée et de s’interdire de penser en dehors des préceptes imposés par cette norme. Cela entraînerait alors immanquablement la perte de leur liberté de penser.
· Le respect de la vie privée. Certaines données privées pourraient se retrouver en la possession d’une personne ou d’une entreprise à l’insu de l’individu. Cela pourrait constituer un moyen de pression, une source d’informations pour orienter une campagne de marketing, un moyen de dresser le profil des consommateurs, à leur insu. L’individu ne serait donc plus parfaitement maître des informations qui circulent sur lui, et de plus, il ne saurait même pas forcément quelles données circulent sur lui.
· La tolérance. Si certaines données personnelles sont rendues publiques, il est possible que l’individu soit jugé sur base des informations révélées et que le comportement des autres personnes changent, notamment en ayant appris que l’individu souffrait d’une certaine maladie, qu’il avait telle situation sociale, qu’il pratiquait telle religion, etc. Il y a alors un risque de discrimination, qui n’aurait pas eu lieu sans surveillance.
Conclusion
Au sens de l’éthique des vertus, la question de la surveillance des appareils connectés présente à la fois des côtés positifs et négatifs. Pour trancher la question, il est nécessaire de se demander quelle importance on accorde à telle ou telle vertu et laquelle prédomine sur l’autre. En fonction de cette gradation, les réponses seront différentes. Si la sécurité est la valeur la plus importante pour un individu, il y sera sans doute favorable. En revanche, s’il préfère préserver sa vie privée, il y sera sûrement opposé. La réponse à cette question est donc définie par le point de vue que représente chaque personne. Le prisme par lequel il répond à la question est influencé par énormément de facteurs, tels que son éducation, l’environnement dans lequel il évolue, ces convictions profondes, si bien qu’il n’y a finalement aucune bonne ou mauvaise réponse universelle. Néanmoins, on peut imaginer atteindre un consensus, par exemple en permettant la surveillance des appareils connectés, mais en imposant légalement que chaque personne soit parfaitement informée des données qui circulent à son sujet.