L’utilitarisme de Bentham vise à dicter les actes en faveur du bien-être collectif. La nature a doté l'humain de deux sentiments contradictoires : les peines et les plaisirs. C'est un être sensible qui est avide de plaisirs : il va chercher à les maximiser. Une action est jugée sur la somme ou la moyenne du bien-être général, qui n'est rien d'autre que la somme des peines et des plaisirs. Bentham part du principe que tous les agents concernés sont égaux et que le calcul est universel, donc le choix dans un dilemme éthique est donc bon ou mauvais selon le côté duquel la balance penche.
Dans le cadre de l’anonymat sur Internet, on va y appliquer le principe d’utilité à notre question majeure : « Appuierions-nous s'il existait un bouton qui permet d’effacer toute forme d’anonymat sur Internet ? ». Bien plus centrée sur les conséquences de l'acte contrairement aux deux autres études éthiques, la réflexion suivante attaquera le dilemme sous un angle plus mathématique et pragmatique.
Appuyer sur ce bouton procurerait plusieurs plaisrs au sens de Bentham. Appuyer nous permettrait de dénoncer la cybercriminalité ainsi que le cyber-terrorisme. Il est évident qu’une baisse de cybercriminalité sera notée, mais pas forcément de la criminalité en général puisque que nous n'évincerons que les petits criminels qui utilisent l'anonymat comme une carapace, alors que les gros criminels agiraient d'une autre façon.
Ensuite, nous pourrions diminuer le cyberharcèlement. Pour les victimes, il est plus facile à éviter lorsque que l’on sait à qui l'on parle. Pour les harceleurs, il est dissuasif de savoir que l’on est retrouvable trop facilement. Concernant un cadre plus social, certaines personnes peuvent se sentir beaucoup plus rassurées de connaître l’identité de son interlocuteur, elles sont en effet plus sereines et les identités dévoilées instaurent un climat de confiance dans la discussion.
Le maître mot des avantages est la sécurité !
En revanche, les peines sont nombreuses. De nombreux journalistes dans les pays moins démocratisés que les nôtres ont besoin de l'anonymat pour publier des articles qui peuvent déranger les chefs d'État oppresseurs. Les militaires seraient mis en péril si nous appuyons sur le bouton pour leurs missions d’infiltration. Les forces de l'ordre public auraient aussi des difficultés d'agir dans certains cas s'ils sont dévoilés aux yeux de tous. La liberté d'expression serait, pour tous ces exemples, mise en défaut. La disparition de l'anonymat entraînerait la perte d'une protection vitale contre les pressions gouvernementale et sociale.
Dans un cadre plus personnel, dialoguer avec une personne anonyme est synonyme de « boîte noire » à qui l'on peut se confier sans être tracassé par qui détient cet aveu dans notre entourage. C'est un élément de réponse qui nous est revenu dans le débat Samoan. Il y a une distinction à faire entre "être anonyme" et "parler à quelqu'un d'anonyme". Le deuxième cas porte également à d'autres conséquences positives, notamment lorsque la personne veut se livrer mais n'ose pas. Cette fois-ci, l'anonymat permet qu'il n'y ait pas de répercussions négatives sur la vie privée de la personne.
L’anonymat permet également d’avoir un jardin secret ainsi que de garder des limites dans la vie privée, ce qui est essentiel pour le bien être mental d’une personne. Nous sommes protégés de la curiosité malsaine de la population. On évite également les préjugés dans un groupe de discussion et notre voix vaut autant qu'une autre. Nous sommes tous sur un même pied d'égalité et notre opinion est autant entendue qu'une autre. Garder l'anonymat est synonyme de liberté d'expression.
L'utilitarisme fait clairement apparaître une dualité entre la liberté d'expression et la sécurité, aspect que nous ressentions moins dans les deux études éthiques précédentes. La somme de toutes les peines est plus grande que la somme de tous les plaisirs dans notre problème éthique. Selon Bentham, il est donc déconseillé d'appuyer sur le bouton supprimant l'anonymat.