Un débat a été organisé avec un groupe d’une trentaine d’étudiants ainsi que deux professeurs. Il a été animé grâce au cercle Samoan avec six chaises au centre de ce cercle. Dans un premier temps, les animateurs ont introduit la problématique en détaillant le contexte, exposé dans la section “Introduction”. En prenant soin d’opposer sécurité et liberté d’expression afin de faire naître la discussion et de poser le cadre du débat, la question suivante a été posée : « Si vous aviez un gros bouton rouge en face de vous qui supprimerait toute forme d’anonymat, appuieriez-vous dessus ? » Bien que certains arguments avaient déjà été évoqués par le grand public interrogé et les experts contactés, d’autres se sont révélés inédits et intéressants dans l’étude du problème éthique.
L’une des premières interventions a été en faveur de l’anonymat d’un point de vue plus social. La liberté d’expression que permet l’anonymat sur Internet est un droit immuable de l’être humain qui est vital à toute société démocratique. Sans ce droit pour lequel un bon nombre de populations se battent encore aujourd’hui, le régime politique du pays serait totalitaire et mènerait à une dictature. D’autant plus que la disparition de la liberté d’expression engendrerait plus de mécontentement au sein du peuple et ceci aurait pour conséquence majeure une augmentation des révoltes civiles. Par ailleurs, il en est sorti de ce débat que l’existence et l’équilibre d’une société sont garantis lorsque le gouvernement en place décide de suivre à un moment donné l’avis au peuple au lieu de se cantonner aux lois mises en place. L’aspect social du débat a donc penché assez rapidement vers le maintien de l’anonymat sur Internet sans réel avis contraire à ce constat.
Ensuite, le débat s’est orienté vers les conséquences plus humaines du bouton rouge. À nouveau, l’avis général était en faveur de l’anonymat puisqu’il permet une équité garantie entre les membres de la discussion dans les débats politiques sur Internet ou encore sur des forums. Une participante du débat a déclaré que cela facilite également les échanges plus intimes de personnes timides qui manquent parfois de cran. Celles-ci peuvent, grâce à l’anonymat, se livrer à des confidences alors qu’en temps normal, elles ne le feraient pas. Un animateur rétorqua à ce moment-là que le destinataire pourrait être mal intentionné et inhiberait cette communication, situation que quelques intervenants du grand public ont trouvé très dérangeante à cause de l’anonymat. La participante a très vite contre-argumenté que le but réel d’une confidence est de vider son sac, sans se préoccuper du destinataire, à l’image d’un naufragé qui jette une bouteille à la mer. L’exemple de la communauté homosexuelle a été évoqué en lien avec toutes ces considérations. Il y a 50 ans, les homosexuels auraient bien aimé s’exprimer aussi librement que le permet la société actuelle. Cette émancipation a été rendue possible grâce à la liberté d’expression bien plus tolérée de nos jours. Ce propos a été approuvé par la majorité de l’assemblée sans trop de difficultés.
Les forces de police ont été par la suite le centre de la discussion lorsque l’un des animateurs a embrayé sur l’affaire de la section criminelle australienne “Argos Special Force”. Il a été très difficile de scinder sécurité et liberté durant cette phase du débat car selon un intervenant, la perte de l’un entrainerait le gain de l’autre et vice versa. En conséquence, la liberté est primordiale à protéger en gardant l’anonymat mais elle doit être muselée sous peine d’être confronté à d’autres dérives comme “La ligue du Lol” dont les méfaits ont été popularisés en 2018 ainsi que des cas avérés de cyberharcèlement sur 4Chan. Ces dérives apparaissent plus fréquemment sous l’anonymat car celui-ci donne à l’internaute une carapace, un bouclier derrière lequel se protéger. Néanmoins, il en est ressorti que les forces de police sont les garants de notre sécurité mais protègent aussi notre liberté d’expression. Il existe donc une dualité entre liberté et sécurité, que les forces de l’ordre assurent et celles-ci doivent coexister, même si globalement, les membres de la discussion préfèrent assurer la liberté d’expression devant la sécurité que procurerait la révélation de toutes les identités.
Le débat s’est donc conclu sur un consensus général en faveur de l’anonymat. Bien que quelques éléments auront eu le mérite de bousculer l’avis général déjà pré-établi, il n’en reste pas moins que le bouton rouge de la question initiale du dilemme éthique ne sera majoritairement jamais appuyé.