Le dernier expert que nous avons sollicité est Alexandre Amorison. Il est le directeur de la Direction des Technologies de l'Information à l'UMONs. Il est en charge à la fois des services informatiques de l'université mais aussi de la gestion technique en ce qui concerne l'audio-visuel. Son expertise technique sur l'utilisation des données fait de lui un expert idéal et concerné par notre dilemme éthique sur l'anonymat sur Internet.
L'anonymat ne lui a pas servi pour sa vie privée ni professionnelle. Il s'est juste intéressé au réseau "Tor" du Dark Web dans le cadre de son travail. En revanche, Mr. Amorison est bien plus vigilant sur ce qu'il dit que réellement cacher son identité. En effet, son nom n'est pas difficile à trouver sur les réseaux sociaux de par son poste important au sein du service informatique de l'UMONS. Il apporte donc davantage d'attention aux propos qu'il peut tenir qu'à l'anonymat en tant que tel.
Quand nous lui avons posé la question de l'importance de l'anonymat dans notre société actuelle, il a répondu par une métaphore : "L'utilisation de l'anonymat est l'équivalent du paiement en liquide : c'est normal et même nécessaire à certains moments." Malgré tous les aspects négatifs que l'on pourrait trouver à l'anonymat, son utilisation est naturelle et parfois indispensable. Il nous a raconté ensuite une anecdote pour appuyer ses propos. Un ami congolais s'est retrouvé sans Internet pendant les élections car il a été coupé. Face à ce geste très peu démocratique, Mr. Amorison a quand même pu converser avec son ami en utilisant Tor. L'utilisation d'une plateforme privée a donc ici été nécessaire.
Cette anecdote l'a contrarié puisque qu'il n'aime pas l'idée de supprimer une liberté au profit de la sécurité. Selon lui, il devrait y avoir des meilleurs moyens d'assurer la sécurité sans entraver la liberté d'expression.
Concernant l'affaire de “Argos Special Force” contre le site pédopornographique "Child's Play", il nous a confié que supprimer une plateforme qui permet l'anonymat sous prétexte qu'elle cause du tort à autrui est mal poser le problème. En effet, si un objet, un phénomène ou une personne est le centre du mal à combattre, effacer toutes les routes permettant d'y accéder ne soignera pas le mal en question. Même si les dérives et conséquences de celles-ci sont dommageables, l'outil est à protéger.
Sa réponse concernant notre problème éthique devient alors prévisible. Il a répondu "non" à la suppression de l'anonymat sur Internet à l'aide d'un bouton rouge fictif. Le concept humain à défendre ne se limite pas à la seule liberté d'expression mais à la liberté de base. Il explicite sa pensée de la manière suivante. Un principe de psychologie dit que lorsque quelqu'un se sent observé, il modifie son comportement. Autoriser une observation permanente en supprimant l'anonymat mènerait à une privation de cette liberté de comportement. Il est donc essentiel de garantir une forme d'anonymat pour tous afin de pouvoir être libre, tout simplement.
Mr. Amorison a apporté un autre élément de réponse concernant le bouton en adaptant la problématique. Si le bouton pouvait être pressé pour une durée limitée, il l'utiliserait pour aider les personnes dans le besoin, mais à une seule condition : s'assurer que son action puisse être réversible assez rapidement, toujours dans le but de préserver les libertés de chacun.
L'interview s'est clôturée par une référence forte du film "Anon" : "Ce n'est pas que j'ai quelque chose à cacher, c'est qu'il n'y a rien que je n'ai envie de montrer.".