Le premier expert que nous avons interrogé est le Professeur Thierry Pham. Le Pr. Pham est professeur à la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education de l’Université de Mons. Il est également le président du comité d’éthique facultaire. Ses connaissances en psychologie criminologique et sa relation avec l’éthique sont les raisons pour lesquelles nous voulions le rencontrer. En effet, cela pourrait nous apporter des éléments nouveaux à notre enquête, notamment en ce qui concerne les crimes commis sur Internet.
La première question que nous lui avons posée concernait la récidive des crimes sur Internet. Est-ce que l’anonymat est un facteur facilitant la récidive des cybercrimes ? Selon le Pr. Pham, le contrôle social diminuera généralement le risque de récidive. Ainsi, afin d’évaluer les risques pour qu’un criminel réitère un crime, la vie sociale sera vérifiée. Une personne isolée commettra plus facilement un crime puisqu’il ne subira pas la pression sociale de ses proches. On peut faire un parallèle avec l’anonymat sur Internet qui permet de se libérer aussi de cette pression sociale. Cependant, si cet aspect de l’anonymat aide à la déresponsabilisation, ce n’est bien évidemment pas un facteur nécessaire ou suffisant pour qu’une personne commette un crime.
Lors de sa carrière, le Pr. Pham a eu l’occasion de travailler sur le cas des « groomers », des personnes essayant de rentrer en contact avec des personnes mineures sur Internet afin d’obtenir des relations sexuelles. Il nous a alors expliqué que les groomers se sentent plus puissants grâce à la protection que leur procure l’anonymat. Celle-ci rend l’agression sexuelle plus confortable que pour une personne qui ne serait pas du tout anonyme, comme un curé par exemple.
Dans un registre moins grave, le Pr. Pham a déjà eu le cas d’étudiants qui se permettent d’envoyer des mails dans lesquels ils tiennent des propos qu’ils n’oseraient pas tenir en face à face. Dans ce cas, l’étudiant n’est que partiellement anonyme, car il est possible de connaître son identité mais ne dévoile pas directement son visage. Dans ce genre de situation, l’anonymat est un facteur de risque.
Nous avons ensuite demandé si l’utilisation de plateformes anonymes douteuses par la police afin de débusquer des criminels était éthique. En effet, en utilisant eux-mêmes ces plateformes, ils participent à leurs crimes et vont à l'encontre de ce qu'ils défendent. On a alors appris que selon la législation belge, il est nécessaire d’avoir des preuves qui nécessitent du temps pour être trouvées. De plus, les utilisateurs ont généralement plusieurs comptes et ceux qui tiennent les sites sont souvent de très bons techniciens. Ainsi, l’utilisation de ces plateformes est nécessaire si l'on veut pouvoir arrêter un maximum de criminels.
Enfin, nous avons demandé au Pr. Pham s’il supprimerait toute forme d’anonymat sur Internet s’il le pouvait. Il nous a répondu que malgré ce que l’anonymat permet en terme de criminalité, il est nécessaire de pouvoir avoir des endroits où l'on n’est pas reconnu selon lui. Chaque personne a besoin de son jardin secret. Enlever toute forme d’anonymat, ce serait permettre à tout le monde de pouvoir tout savoir sur tout le monde, y compris les voyeurs. On devrait avoir droit à son intimité, même si l'on n’a rien de particulier à cacher. Il a cité comme exemple les pays d’Asie, où le contrôle social est plus fort. Lorsqu’il est en voyage, on lui pose alors des questions, de manière détournée ou on essaie de passer par son entourage pour tout savoir. C’est un aspect qui le dérange beaucoup.