Nous avons eu l’occasion de discuter avec Stanislas Deprez, un expert dans le domaine
du transhumanisme. Nous avons pu lui poser des questions et recueillir son avis, ses prédictions et son ressenti par rapport à
cette technologie. Voici un résumé de ce qui a été dit lors de cette discussion.
Premièrement, nous lui avons demandé son avis sur cette phrase qu’Elon Musk avait prononcé lors d’un podcast : ‘’Une relation symbiotique
entre l’homme et la machine est le seul chemin vers un monde où l’homme et la machine peuvent coexister’’. Ici, Elon Musk nous annonce
clairement que pour éviter que l’intelligence artificielle dépasse l’homme comme le craignent beaucoup de gens, il faut que l’homme
fusionne avec la machine. Selon Mr Deprez, le fait qu’une société aussi jeune que Neuralink (créée en 2016) se positionne en tant
qu’acteur incontournable du futur en disant qu’il sera nécessaire, pour éviter d’être dépassé par la technologie, de fusionner
avec celle-ci, est principalement un coup de marketing. Ce qui est intéressant dans la déclaration de Musk, c’est qu’il sous-entend
que la relation homme-machine passera forcément par un implant neuronal alors que d’autres alternatives moins invasives peuvent
être exploitées et seraient tout aussi efficaces, avec l’avantage de pouvoir être retirées à n’importe quel moment.
Ensuite, nous lui avons demandé où est ce qu’il considérait la limite entre l’humain et le surhumain. Autrement dit,
quand est-ce qu’une amélioration est telle qu’elle modifie fondamentalement le caractère humain d’une personne.
Pour Mr Deprez, la limite entre homme et surhomme est propre à chaque individu et c’est personnellement qu’il faut prendre
la décision de ce qui est bon pour soi. Les transhumanistes ont tendance à renier les différences entre réparation et
augmentation et, selon Mr Deprez, ils ont raison de le faire, car la barrière est beaucoup plus fine qu’il n’y parait.
En effet, prenons l’exemple des dispositifs médicaux actuels tels que les lunettes, les canes ou les prothèses de hanche.
D’un côté c’est de la réparation car on répare une fonction défaillante chez une personne, mais de l'autre, ça peut
être aussi une amélioration, car ce dispositif permet parfois de mieux voir ou de mieux marcher qu’une personne ne l'utilisant pas.
La différence entre augmentation et réparation est donc floue, et l’avis des transhumanistes sur ce sujet
est tout simplement de ne pas considérer qu’il existe une différence et que c’est à chacun de s’améliorer/se réparer tant
qu’il se considère toujours comme humain.
Le lien entre utilisation de la puce et transhumanisme étant clait pour lui, nous avons ensuite demandé si personnellement, depuis le temps qu’il travaille dans cet univers, il avait remarqué
des changements significatifs dans la mentalité des gens vis-à-vis du transhumanisme. Pour lui, la question est clairement oui.
Le premier est qu’il y a 10 ans, le transhumanisme était globalement inconnu dans le monde francophone. Aujourd’hui,
il est beaucoup plus répandu au travers de 2 communautés différentes: l’une pour, et l’autre contre.
Cette dernière correspond aux personnes qui sont totalement contre cette idéologie, les anti-transhumanistes et notamment certaines formes
de complotistes qui ne veulent pas que le gouvernement leur implante des puces dans la tête
pour les contrôler, motivés par la peur de perdre l’humain. Et le paradoxe est, qu’avec l’augmentation de la littérature
anti-transhumaniste, s’accompagne une augmentation de l’acceptation des dispositifs transhumanistes. Pour exemplifier,
Mr Deprez nous a donné l’exemple suivant : lorsqu’on demande à un groupe d’individus s’ils aimeraient être immortels,
la réponse et majoritairement négative car l’immortalité est associée à des pensées transhumanistes et à une perte de
l’humanité. Alors que si on demande à ce même groupe s’il aimerait avoir la vie la plus longue possible en bonne santé,
la majorité des réponses est positive, alors que c’est la même question. Pour Mr Deprez, le transhumanisme va occuper une place
de plus en plus grande dans l’esprit des gens car cette pensée applique la théorie des petits pas, et débarque petit
à petit pour laisser aux gens le temps de s’y adapter et de l’accepter.
Enfin, nous lui avons demandé s’il croyait en Neuralink. Mr Deprez nous a répondu qu’après le peu de recherche
qu’il avait pu faire sur le sujet, il pense que oui, la technologie va voir le jour dans un futur proche. Pour lui,
Neuralink est un dispositif semi-invasif, qui pourrait plus facilement être assimilé par un organisme (moins de risque de rejet).
Le seul problème qui reste encore à résoudre avant de pouvoir avoir un dispositif grand public est une compréhension du cerveau
humain qui, aujourd’hui, n’est pas assez développée pour exprimer le potentiel énorme de la technologie Neuralink, mais qui pourrait
néanmoins déjà être utilisé pour certaines fonctionnalités basiques. Pour Mr Deprez, l’utilisation de tels dispositifs
pour par exemple connecter des aveugles à des caméras, leur permettant de voir, pourrait être développé dans un futur relativement
proche (10-20 ans). Pour ce qui est de dispositifs plus poussés comme des yeux bioniques qui permettraient une vision égale
à celle d’un œil humain, ce n’est pas pour tout de suite.