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Utilitarisme

Les conséquences des actes sont au cœur de la philosophie utilitariste, de façon à vouloir maximiser le bonheur des humains et ce en les considérant égaux. Jérémy Bentham, philosophe anglais, fondateur de l’utilitarisme moderne, propose donc de juger en termes d’utilité, et ce en faisant la différence entre la somme des plaisirs et des douleurs afin de pouvoir se prononcer sur le caractère général positif ou négatif de l’action. Quelques facteurs sont pris en compte comme la durée, l’intensité ou encore la fécondité. Des hypothèses simplificatrices ont aussi été nécessaires. L’utilité entre personnes, par exemple, est mise de côté, cela signifie que nous calculons l’utilité pour chaque personne en tant qu’individu sans prendre nécessairement le poids de la communauté ou de la famille en compte. Une puce dans le cerveau pourrait-elle donc maximiser le plaisir de tous, ou en tout cas celui de la majorité des personnes ? Si l’on se permet de plonger dans l’imaginaire, nous pourrions dire qu’effectivement le bonheur de tous pourrait être maximisé de façon similaire à ce que suggère l’expérience de pensée de la machine de Nozick. Nous pourrions supposer éliminer les peines grâce à cette puce en régulant en permanence les activités cérébrales de façon à maintenir un état euphorique permanant. Epicure, philosophe grecque, précise cependant que le plaisir inutile ou excessif est à éviter.

Revenons à l’utilité de Bentham et essayons d’évaluer le tout avec un esprit comptable. La première prémisse de Neuralink est de permettre la guérison ainsi que la prévention des maladies neurologiques. Celle-ci aurait un apport de bonheur avec une grande intensité. En effet, si l’on enlevait la peine et les difficultés qui viennent avec la perte de vue par exemple et qu’on la remplace par le plaisir de voir le monde, cela aurait un impact positif, autant pour la personne que pour ses proches. Il en est de même pour la récupération de la mobilité.

Cependat, si l'on se penche sur l’amélioration de l’humain, pouvons-nous considérer que cette évolution de la race humaine apportera plus de bien que de mal ? L’augmentation de l’intelligence humaine nous permettra-elle un jour de trouver des solutions aux problèmes actuels, tels que le réchauffement climatique, ou des maladies comme le cancer ? Si la réponse à cette question est oui, alors il ne faudrait sans doute pas tarder à développer cette technologie, car d’un point de vue utilitariste, résoudre les problèmes liés au réchauffement climatique apportera beaucoup de bonheur aux humains mais aussi aux autres êtres vivants, qui ne doivent pas être négligés dans le calcul de l’utilité.

D’un autre coté, si ce concept d’humain surdéveloppé, plus capable et plus intelligent, commence à se répandre dans nos sociétés, n’y aura-t-il pas un écart plus grand entre les individus ? Cela ne créerait-il pas plus d’obstacles pour les personnes n’ayant pas la puce ? Si l’on construit de nouvelles normes, où la nouvelle intelligence moyenne est nettement supérieure à l’intelligence naturelle, que les capacités humaines augmentées en général surpassent les capacités innées, ne serions-nous pas sur la voie d’une société élitiste, où l’écart entre les individus augmente et les opportunités pour une personne venant d’un milieu défavorable de construire une meilleure vie diminuent ? Cela augmentera sans doute le malheur des personnes, rêvants d’accomplissements qu’ils ne pourront pas obtenir. Certains diront que notre société n’est cependant pas parfaite, et que les écarts sont déjà présents. Mais d’un point de vue utilitariste, la maximisation du bonheur n’est pas atteinte si les écarts entre les individus augmentent. De plus, même si la puce était disponible pour toute personne qui la souhaitant, nous nous retrouverions avec des gens qui seront forcés à adopter les améliorations, non pas parce qu’ils le désirent, mais pour être conformes aux attentes de la société.

John Stuart Mill, philosophe britannique, propose une hiérarchie des plaisirs. Selon lui, ce sont les plaisirs supérieurs qu’il faut maximiser plutôt que la quantité totale de plaisir , et ce dans l’optique « qu’il vaut mieux être un Socrate insatisfait qu’un imbécile satisfait ». En adaptant cette vision des choses, nous pouvons être tentés à dire qu’il faut maximiser les capacités humaines. Mais nous pouvons nous dire que, après tout, Socrate était entièrement humain, et qu’acquérir des capacités supplémentaires grâce à la technologie n’apportera pas autant de plaisir que si l’on avait travaillé pour. Prenons l'exemple de l’apprentissage d’une langue. Celui-ci pourrait se faire sans implant, et générerait du bonheur pour certains, là où d’autres diront que le bonheur se trouve dans la phase d’apprentissage.

En conclusion, guérir des maladies et utiliser Neuralink pour des fins de réparations et des fins médicales semble être tout à fait conforme à la philosophie utilitariste. Le problème vient lorsque nous envisageons une augmentation des capacités humaines. Une majorité des personnes sont actuellement contre cette idée. Il semblerait donc que la balance utilitariste penche plutôt vers un maintien de l’humain tel qu’il est actuellement afin de maximiser le bonheur et minimiser la peine, et surtout la peur qui vient avec un implant dans le cerveau qui vise à faire évoluer l’humanité par des moyens technologiques.

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