Tout comme vous, nous avons découvert la programmation neuronale sous de nouveaux angles auxquels nous n'aurions pas pensé. Après avoir mené notre enquête, analysé le sujet selon trois principales voies éthiques et interviewé deux experts dans deux domaines totalement différents, nous parvenons enfin à exprimer clairement notre avis sur la question.
Pour commencer, un constat s’impose : nous avons besoin de plus en plus de connaissances étant donné la demande croissante de personnes très qualifiées par les entreprises. La programmation neuronale serait donc une solution efficace pour nous former rapidement. De même, dans une situation de crise comme celle du COVID-19, la possibilité de pouvoir rassembler le plus grand nombre de connaissances au sein de quelques cerveaux pourrait évidemment en limiter son impact sur la société. Ces arguments s’appuient sur la doctrine utilitariste.
Par ailleurs, tandis que certains pensent, comme le mentionnait L. Dragone, que la PN enlèverait toute notion d'effort et de persévérance, d'autres pensent plutôt que cela serait simplement un raccourci dans l'apprentissage. En permettant à tout le monde de disposer des connaissances déclaratives, l'apprentissage se ferait plus rapidement en essayant de mettre en application ces connaissances. Ceci rejoint l'idéologie transhumaniste exprimée par S. Deprez dans le sens où souffrir n'aurait pas réellement de sens pour apprendre.
Il nous paraît assez clair que l'utilisation d'une telle technologie serait davantage à préconiser pour des personnes souffrant de handicaps moteurs ou de déficiences intellectuelles. Si nous avons appris que la PN pourrrait s'avérer réparatrice pour certains handicaps moteurs, la question de la faisabilité se pose tout de même pour des personnes ayant des troubles de l'apprentissage ou des handicaps mentaux sévères. De plus, nous estimons que les personnes ayant la chance de disposer d'un cerveau en parfait état devraient eux-mêmes construire leurs connaissances étant donné qu'il nous semble vertueux d'être acteur de son apprentissage et d’avoir le courage d’entamer une tâche avec le risque d’échouer qui l’accompagne.
En outre, tout comme de nombreuses personnes interrogées sur le sujet lors de notre enquête grand public, nous sommes d'avis que la programmation neuronale pourrait mener à un conformisme de la société. En inculquant à tout le monde la même éducation, les mêmes connaissances, les mêmes traits de personnalité, nous perdrions toute la richesse liée à nos différences, tant culturelles qu'intrinsèques. Cela serait, d'un point de vue déontologique, selon les devoirs que nous avons pu édicter, peu éthique. De la même manière, nous ne serions pas confrontés aux conflits socio-cognitifs durant l'apprentissage, ce qui, de toute évidence, contribue de manière importante à notre formation.
Finalement, nous sommes sceptiques face aux conséquences qui pourraient découler d'une mauvaise utilisation de cette "puce". La question de qui aura le contrôle de cette puce ou encore qui en choisira les contenus nous laissent perplexes. Une telle technologie nous déshumaniserait, nous rapprochant du robot, et permettrait à n'importe qui de nous manipuler en nous faisant apprendre, à notre insu, des éléments falsifiés. On pourrait imaginer qu’une personne mal intentionnée modifie la puce à son avantage et puisse modifier notre vision du bien et du mal, par exemple. Qu'en sera-t-il alors s'il est possible d'insérer autre chose que du contenu pédagogique ? Nous nous méfions tout particulièrement de personnes comme Elon Musk, qui, ne se réclamant pas du mouvement transhumaniste, contribuent à un développement rapide et prometteur des technologies d’amélioration de l’Homme. « Par crainte de l’intelligence artificielle, développons-la massivement et allons-même plus loin, implantons-la dans notre organe le plus précieux : notre cerveau ! » peut résumer grossièrement l’argument de Musk. Ce genre d’argument peut laisser perplexe.
Pour conclure, nous nous accordons pour dire qu'il n'est pas envisageable d'utiliser la programmation neuronale de manière exclusive en ce qui concerne l'apprentissage, notamment car nous perdrions toute interaction sociale, chose essentielle à notre développement puisque l’être humain est un être sociable. D'un autre côté, pour faire face aux éventuelles dérives, il faudrait un cadre juridique et éthique très clair avant que cette technologie ne soit utilisée. Il semble primordial de prévoir une à deux institutions de contrôle, pouvant se contrôler l’une l’autre, spécialisées en ce sujet ainsi qu'une commission d'éthique. C'est un fait, la programmation neuronale est à nos portes et il est plus qu’urgent que les hommes de loi se soucient du problème, aidés par des éthiciens, qui en auront compris les enjeux majeurs.
Céliane Jennebauffe
Manuela Salaris
Valentin Koolen
Pauline Godefroid