Ethique des conséquences
Pour cette éthique, nous avons tenté de réfléchir en termes de conséquences et d’utilité de la programmation neuronale. Voici les réflexions que nous avons pu en tirer.
Utilitarisme
La programmation neuronale pourrait permettre de résoudre des problèmes que nous connaissons actuellement.
Si nous avions plus de médecins, de virologues, d’infirmièr(e)s, aucune crise due au Covid-19 (pour l’exemple) ne serait à craindre. Notre système de santé ne serait jamais dépassé puisque la programmation neuronale pourrait, en une nuit, créer une armée de nouveaux chirurgiens, chercheurs, aides-soignants, ...
Dans la même idée, la PN permettrait de combler les pénuries que nous connaissons dans certains corps de métier comme l’enseignement, la police, les soins de santé, …
Dans une logique tout à fait utilitariste, la programmation neuronale se justifie aisément et l’utilitarisme peut même nous amener plus loin dans l’amélioration de l’Homme par la technologie. L’utilitarisme est en effet souvent repris par de nombreux transhumanistes : la technologie doit être assimilée à l’Homme pour que celui-ci devienne une meilleure version de lui-même. Plus efficace, plus rapide, plus organisé, plus intelligent, multitâches, l’Homme amélioré maximise son utilité à la société. Sans même penser aussi loin, en restant juste concentré sur le fait que la PN ne nous apprendrait « que » les connaissances que nous recevons depuis la maternelle jusqu’à l’université, on peut imaginer que des jeunes gens seraient utiles immédiatement à la société sans attendre d’avoir terminé des études à l’âge de 25 ans !
Toutefois, où serait la limite à cet utilitarisme à tout prix ? En poussant la réflexion au maximum, on pourrait alors justifier la PN d’une personne en fonction des besoins de la société. Cette personne n’aurait plus le choix de ce qu’elle veut apprendre mais apprendrait tout simplement la compétence qui la rendrait la plus utile à la société.
Conséquentialisme
Si la programmation neuronale semble indubitablement « utile », ses conséquences ne seraient potentiellement pas que positives. Les dérives suivantes sont envisageables à court terme :
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Conformisme des connaissances, des façons de penser, de la société en générale
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Affaiblissement des interactions sociales. Si nous savons tous la même chose, il n’est plus nécessaire de communiquer sur un sujet. Nous perdons également la richesse des interactions liées à l’apprentissage (avec l’enseignant mais aussi les élèves). Un enseignement neutre ne pourrait pas aisément inspirer de vocations mais pourrait, il est vrai, se révéler plus efficace. On mémoriserait plus de choses en peu de temps, cependant, la mémorisation n’est peut-être pas suffisante pour apprendre réellement quelque chose. Ne vaut-il pas mieux un enseignement non optimal mais humain ?
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Possibilité de prendre le contrôle de la puce ou du système tiers. Des inquiétudes se posent quant aux sujets suivants : le piratage du système, la défaillance du système, … On peut aussi se demander qui déciderait du contenu de l’apprentissage. Pourrait-on dès lors utiliser la PN pour créer des citoyens selon les idéologies des gouvernements ?
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Accentuation du clivage social : les nouvelles technologies sont généralement réservées aux élites (basées sur l’intellect, la richesse, l’ethnie, le sexe, la nationalité, …). Cette technologie créerait alors encore plus de clivages sociaux. Peut-on dès lors imaginer des conséquences positives sur des populations ne faisant pas partie de ces “élites” ? Que ferions-nous si les USA, par exemple, se gardaient la propriété de la PN ?
La PN, si elle était accessible au grand public, pourrait également poser un problème de société majeur quant à la répartition des tâches dans la société. En effet, en caricaturant un peu, si tout le monde pouvait choisir de devenir médecin, avocat, ingénieur, ... qui voudrait ramasser les poubelles, surveiller les prisons, faire toutes les tâches ingrates de notre société alors qu’il serait possible d’apprendre en une nuit à devenir comptable et rester dans un bureau cosy toute la journée ? Evidemment, nous poussons le bouchon pour pouvoir mieux saisir l’ampleur de la question. Une des solutions que nous avons pu trouver à cette conséquence serait une société où chacun peut, par la PN, devenir ce qu’il veut, mais, en contrepartie, devrait effectuer quelques semaines de travaux d’intérêt général sous forme de tournante. En quoi cette société ne serait-elle pas meilleure que la nôtre, où les capacités d’apprentissage et l’accès à l’enseignement régulent les professions que chacun peut choisir en dépit de ses rêves et aspirations personnelles ?
En tentant de répondre aux nombreuses questions ci-dessus, nous pensons personnellement que la PN présente plus de conséquences négatives que positives. Les risques et dérives sont trop grands. Pour dire un franc « oui » à la PN, il faudrait un cadre juridique et éthique très clair afin de s’assurer qu’elle soit utilisée à bon escient.