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En tant qu’ingénieurs, nous savons mieux que quiconque que le monde d’aujourd’hui est basé sur l’optimisation et la rentabilité. Ces notions forment notre société et ses comportements. La quête de la perfection humaine remonte quant à elle à la nuit des temps et les avancées majeures dans le monde des neurosciences ne semblent qu’une étape de plus dans cette recherche de l’excellence.
A la base du développement des neurosciences, il y a la volonté de mieux comprendre cet organe qui n’égale aucun autre puisqu’il est le centre de la conscience, de la créativité et des émotions : le cerveau, organe mystérieux, ne cesse de faire l’objet de nouvelles découvertes menant peu à peu à une certaine banalisation. Le cerveau se rapproche de plus en plus d’un organe comme un autre et est même de plus en plus comparé à un ordinateur suite au développement des réseaux neuronaux et du Deep Learning. Mais le cerveau est une structure bien plus complexe qu’il n’y parait. Essayer de fragmenter certaines capacités cognitives pourrait se révéler dangereux car le cerveau tout entier repose sur un réseau respectant un équilibre d’ensemble. Autrement dit, la somme de chaque faculté individuelle ne résume pas l’entièreté des possibilités pouvant émerger du cerveau humain.
La notion de neuro-amélioration, traduisant le terme anglais « brain enhancement », trouve ses origines dans le traitement de pathologies comme les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson. En effet, dans le domaine des neurosciences, les scientifiques se sont heurtés à de nombreux échecs lors des essais cliniques. La complexité du cerveau et ses dysfonctionnements ont fait l’objet de nombreuses recherches et c’est à cet endroit de l’Histoire que les neuro-technologies sont apparues comme une réponse aux nombreux échecs passés. Par exemple, la stimulation cérébrale profonde permet de soigner les effets de la maladie de Parkinson. De nos jours, on parle de plus en plus d’interfaces hommes-machines. L’idée serait par exemple qu’un patient tétraplégique puisse user de sa pensée afin de commander un exosquelette réalisant pour lui les fonctions motrices perdues.
Au départ de la neuro-amélioration se trouvent donc des patients présentant des pathologies graves mais le glissement vers une neuro-amélioration possible de sujet sain est en train de se produire. Les connaissances et techniques accumulées lors de ces dernières années pour le traitement de pathologies pourraient en effet servir plus largement en modifiant le comportement et les émotions d’une personne ou en améliorant ses capacités intellectuelles. La frontière entre le normal et le pathologique est, de plus, très difficile à définir et est une frontière en constante évolution car le normal d’aujourd’hui n’est pas celui de demain. De modifier le cerveau de malades d’Alzheimer à celui d’individus jugés violents et dangereux pour la société, il n’y a qu’un pas.
A l’heure actuelle, ce qui se rapproche le plus concrètement de ce que nous avons appelé « la programmation neuronale » est un dispositif créé par Elon Musk au sein de sa société Neuralink. Le dispositif consiste en une interface hommes-machines comportant trois composants principaux : des sondes en polymères ultrafins (des sortes de fils contenant chacun pas moins de 32 électrodes), un robot neurochirurgical capable d’implanter 6 de ces fils par minute directement dans le cerveau en évitant les vaisseaux sanguins et une électronique personnalisée visant à faire circuler des données électrophysiologiques à large bande grâce à toutes ces électrodes. L’argument majeur de l’inventeur est l’urgence de doter l’homme d’un cerveau capable de rivaliser avec l’intelligence artificielle. Les essais sur humains étaient d’ailleurs annoncés en 2019 pour l’année suivante, c’est-à-dire 2020…
En conclusion de nos recherches, nous nous sommes rendus compte que ce que nous avions appelé « la programmation neuronale » en tant que possibilité future d’apprendre via l’intelligence artificielle est en réalité à nos portes. La programmation neuronale telle que nous l’avons décrite se restreint essentiellement dans notre étude à un moyen d’apprendre plus rapidement et plus facilement. Mais lorsque l’on admet la possibilité de cet outil d’apprentissage, il est évident de penser directement à d’autres possibilités comme l’amélioration morale de l’Homme. Autrement dit, si la programmation neuronale peut nous apprendre le japonais en une nuit, elle pourrait aussi nous apprendre les notions de bien et de mal, et donc aussi modifier nos décisions et notre pensée. La nécessité d’une analyse éthique du sujet semble dès lors évidente.