Débat


Organisation du débat

 Afin d’obtenir plus d’avis sur le sujet de l’immersion totale, un débat a été organisé avec d’autres étudiants. L’organisation se déroulait en “cercle samoan” : 6 étudiants se trouvaient dans le cercle et étaient les seuls à pouvoir participer oralement au débat. Nous n’intervenions que pour introduire et modérer le débat, mais les laissions globalement parler s'ils avaient des choses à dire, mêmes s’ils dérivaient de la question initiale (tant qu’ils restaient dans le thème de l’immersion totale). Les étudiants hors du cercle pouvaient choisir de le rejoindre après un certain laps de temps.
 Ce style d’organisation nous a permis de pleinement écouter les idées que se faisaient les participants sur l’immersion totale. Ce débat fut assez intéressant car de nombreux points traités durant le débat n’avaient absolument pas été anticipés par notre équipe, ce qui a permis de traiter l’immersion totale sur un nouvel angle et de se poser de nouvelles questions éthiques.
 Il faut cependant prendre en compte que tous les étudiants ayant participé au débat sont des étudiants en informatique. Cela a pour effet de biaiser l’avis général: tous les intervenants étaient du coup plutôt pour les nouvelles technologies et n’allaient pas avoir d’avis radical contre l’immersion totale.

Contenu du débat

 Après avoir introduit brièvement le sujet, nous avons directement posé une première question afin que les intervenants aient matière à débattre.

Animateur: “Si une personne était soumise à un handicap (ex : tétraplégie), est-ce que l’on pourrait la laisser vivre dans un monde virtuel où elle n’y serait plus soumise ?”
Intervenant 1 : “Je ne vois pas cela comme un monde réel. […] Même s’il peut y faire ce qu’il veut, ce n’est pas le vrai monde, et donc pas la même chose. Au final c’est un peu triste”
Intervenant 2 : “Si c’est une personne tétraplégique, ou qui a d’autres problèmes du genre, cela pourrait être sympa comme expérience à vivre. Après si c’est une personne normale, ce serait un peu bizarre de vivre dans un monde en immersion totale.”


 Nous pouvons déjà entrevoir ici une certaine appréhension face à l’irréel. Nos intervenant considèrent ici que les mondes virtuels d’immersion totale ne sont pas réels et qu'il n’y a pas beaucoup d’intérêt à y vivre, et ce même pour une personne à mobilité réduite.

Intervenant 3 : “Je suis d’accord aussi pour améliorer la vie d’une personne tétraplégique, mais pour une personne normale, on pourrait atteindre une situation similaire à Ready Player One : On oublierait un peu ce qu’est le réel et on projetterait notre idéal sur le monde virtuel.”
Intervenant 1 : “Actuellement avec les jeux (les MMO) où il faut passer beaucoup de temps, beaucoup de personnes essayent déjà d’y vivre. Ils y ont des amis et passent leur temps avec alors que d’autres le font dans la réalité. J’ai l’impression que l’immersion totale irait dans ce sens-là.”
Intervenant 4 : “Je pense qu’il y a un problème de dépendance au système. Dans la réalité on peut faire ce que l’on veut de manière plus ou moins libre, alors que dans un monde virtuel, si le système casse par exemple, on se sent frustré car on n’a plus accès à ce que l’on croyait être acquis.”
Intervenant 1 : “Il n’y a pas que ce problème-là. Si on prend l’exemple actuel, si une personne veut jouer au basket avec des amis elle ne peut actuellement pas à cause de la pandémie.”


 Nous remarquons alors que le débat s’oriente désormais plus vers la dépendance et l’addiction à l’immersion totale. Ces points sont évidemment les premiers auxquels on pense en parlant de l’immersion totale, surtout en ayant un passif de joueur de jeux vidéo (ce qui est certainement le cas de nos intervenants).
 La notion de dépendance spécifié laisse penser au manque de contrôle que nous aurions sur notre vie si nous nous connections à des mondes virtuels. On peut en effet se faire débrancher à tout moment et ne plus y avoir accès si l’administrateur en a décidé ainsi.
 Une remarque cependant très intéressante a suivi: nous n’avons pas le contrôle sur notre vie même dans la réalité. La pandémie actuelle nous force à porter des masques, à limiter nos sorties, nous interdit de faire des soirées ou de jouer à des sports collectifs. Ce genre de frustration a toujours été présente dans nos vies: qui n’a jamais été frustré lorsque ses parents nous interdisaient de sortir ou d’utiliser avec abondance notre jouet préféré?

Intervenant 2 : “Je trouve que c’est bien dans le domaine de la simulation ou du médical. Par contre si c’est dans le cas de se refaire une vie ou dans le cas du divertissement, il faut quand même remarquer qu’il s'agit d’une simulation. Je pense alors qu’il ne faudrait pas une immersion totale mais une immersion moins approfondie.”
Animateur : “Une solution pourrait alors être de limiter le temps de connexion dans le cadre du divertissement.”
Intervenant 2 : “Ça pourrait être une solution. Mais si les gens passent trop de temps dans le monde virtuel, ils risquent d’oublier leurs problèmes ou leur situation dans la vie réelle et s’échappent dans cette simulation pour y vivre.”
Intervenant 1 : “Limiter la durée de connexion diminue notre liberté. […] L’immersion totale se développera d’abord dans le milieu médical ou scientifique avant de se développer dans le divertissement ou le loisir.”


 Deux solutions sont ici abordées afin d’éviter la dépendance et l’addiction à l’immersion totale: limiter l’intensité d’immersion et limiter la durée de connexion dans le cadre du divertissement.
 Le premier point reviendrait à supprimer le fondement même d’immersion totale, qui est de ne pas la distinguer de la réalité. Il ne serait de plus pas forcément utile, l’addiction étant déjà bien présente dans les jeux vidéo, elle n’a pas attendue une immersion totale pour se faire ressentir.
 Le deuxième point pourrait être plutôt efficace, des diminutions de consommation d’un produit diminue en effet l’addiction celui-ci. En revanche, forcer cette diminution (d’une manière législative par exemple) reviendrait à limiter la liberté des utilisateurs. On doit alors plus espérer une conscience des dangers de l’immersion, mais cette solution est très vague et ne permettrait pas d’empêcher l’addiction.

Intervenant 5 : “Par rapport à un point qui n’a pas encore été abordé, la sécurité interne à l'immersion (exemple: empêcher la déconnexion à la machine, mort interne à l'immersion). Est-ce que cette technologie n’apporterait pas des abus? Est-ce que ce ne serait pas dangereux de donner l’entièreté de son cerveau et de ses sens à une machine ?”
Intervenant 1 : “Ça peut effectivement devenir une forme de terrorisme en quelque sorte.”


 Le point traiter ici est assez intéressant, et il est dommage qu’il n’ait pas été plus traité durant ce débat. On peut cependant se dire que ce problème relève du domaine de la législation, qui devra limiter les administrateurs sur le pouvoir qu’ils ont sur les mondes qu’ils créent. La législation aura surement beaucoup de mal à s’adapter à l’immersion totale dans un premier temps, il suffit de voir à quel point elle peine à se développer dans le monde des jeux vidéo, au point que les crimes virtuels passent la plupart du temps pour des blagues.

Animateur : “Que penseriez-vous de laisser les sentiments de douleur de l’immersion totale ? Car, d’une certaine manière, la retirer reviendrait à passer en immersion partielle.”
Intervenant 2 : “Si on prend l’exemple des sportifs qui s’entraineraient, ils doivent quand même ressentir la sensation d’essoufflement. Pour les gens qui font vraiment des sports extrêmes, s’il n’y a pas vraiment de risque ils préfèreraient le faire dans la vie réelle pour garder la notion de danger. Si l’on risquait de mourir dans l’immersion totale, ça perdrait un peu de son intérêt au final.”
Intervenant 5 : “Pas vraiment car l’immersion totale pourrait être un accès facile à des sensation de mort imminente pour ceux que ça intéresserait.”


 Le débat traite ici du point de la douleur dans l’immersion totale. Le point a été assez peu traité donc il est complexe de faire une analyse poussée dessus. On remarque cependant des avis qui irait pour la douleur dans l’immersion totale, mais seulement dans certaines situations, comme le sport ou les situations à sensations extrêmes.

Animateur : “Et que penseriez-vous de cloisonner des prisonniers dans un monde virtuel ?”
Intervenant 2 : “Je pense que le principe de la prison n’est pas uniquement de cloisonner la personne, mais aussi de la faire réfléchir. […] Par contre on pourrait effectuer des simulations adaptées au prisonnier afin de voir s’il serait récidiviste.”
Intervenant 6 : “Si ce sont des personnes emprisonnées pour la perpétuité, autant les faire vivre une vie heureuse qui n’a pas d’impact sur le monde réel.”
Intervenant 7 : “Si les personnes sont en prison ce n’est pas pour rien, donc si on les laisse vivre une vie heureuse, elles ne pourront pas se rendre compte de leurs actes. Il y aurait une grosse forme d’injustice de faire vivre une personne qui a commis un meurtre dans un monde utopique.”
Intervenant 6 : “Oui, mais mêmes s’ils ont fait des actes horribles, ça ne change rien pour nous qu’elles aillent vivre dans un monde virtuel.”
Intervenant 5 : “Ça ne changera effectivement rien, mais ça porterait à confusion sur la justice si, quand tu commets un crime, on te fait vivre une seconde vie dans un autre monde. Ça fait perdre la crainte qu’on a contre les punitions de la loi.”
Intervenant 8 : “Au final, la sentence pourrait être un motif de crime. Une personne qui est au fond du trou pourrait avoir la vie dont il rêve en commettant un crime.”


 Cette partie fut sans doute la plus intéressante du débat pour deux raisons. Déjà, ce sujet n’avait pas encore été traité et nous n’avions donc pas d’avis réfléchi dessus. Ensuite, les intervenants ont été particulièrement motivés à traiter ce point. Nous remarquons en revanche que le débat porte plus sur l’utilité de la prison plutôt que sur l’immersion totale en tant que tel, mais il n’en reste pas moins intéressant.
 D’abord, nous pouvons noter que la plupart des participants sont d’accord sur un point: la prison doit servir de rédemption pour les prisonniers, et pas uniquement les mettre en marge de la société afin qu’ils ne commettent plus de crime. La notion de punition est alors importante, un prisonnier doit ressentir qu’il est puni pour qu’il ne recommence pas, et ainsi pouvoir réintégrer la société.
 Cependant, nous pouvons nous dire que, pour des prisonniers condamnés à perpétuité, ils ne doivent pas réintégrer la société. Dès lors, la notion de punition devient assez absurde car le prisonnier ne pourra pas recommencer ses crimes. Il pourrait alors vivre plus ou moins paisiblement dans un monde d’immersion totale, sans jamais revenir dans la réalité et sans avoir d’impact dessus.
 Néanmoins, on ressentirait une certaine décrédibilisation de la loi si la sentence était si agréable à vivre, un intervenant allant jusqu’à évoquer que la sentence serait le motif du crime.


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