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Mr T. DUTOIT
Ingénieur électricien et docteur en sciences appliquées, Monsieur Thierry Dutoit est, depuis 2010, le président de l'institut NUMEDIART pour les technologies créatives de l'UMONS. L'intelligence artificielle est au cœur de ses activités. Depuis 2017, il dirige le service de Théorie des Circuits et de Traitement du Signal à la Faculté Polytechnique de Mons.
Pour Mr Dutoit, l'IA est « la possibilité pour les machines d'acquérir des connaissances de type street-knowledge (connaissances basées sur la perception et/ou l'interaction) et de plus en plus book-knowledge ». Il affirme aussi que l'IA touche déjà plusieurs secteurs dont les « Media & advertising » (médiats et publicités), l'« IT & Telecom » (l'informatique et les télécomunications), le commerce, « Healthcare » (la santé), etc.
Il pense que dans le futur, nous risquerons d'assister à une diminution globale des métiers car les automates seront capables de réaliser des tâches moins spécialisées. Ce qui pourrait mener à « une oisiveté, un manque d'activité, une augmentation de la criminalité ou de la culture et du bénévolat (en étant très optimiste) ».
Concernant la concurrence entre la main d'œuvre humaine et les machines à Intelligence Artificielle, il se base sur
ce document qui présente une étude provenant de « Harvard Business Review » qui précise que ce sera la combinaison intelligente entre les humains et l'IA qui sera la plus bénéfique pour les secteurs de l'industrie et de la production.
Au niveau politique, il pense qu'on n'aura pas d'autre choix que de proposer une sécurité sociale plus forte (tel que le revenu universel) qui sera sans doute possible en taxant les robots. Il souligne néanmoins que cela ne pourra que se faire à une échelle mondiale ou du moins européenne.
Un ingénieur de la faculté polytechnique
Nous avons eu l'occasion d'interroger un ingénieur de la faculté polytechnique ayant de nombreuses années et différents métiers à son actif. Selon lui, l'intelligence artificielle est « l'utilisation d'algorithmes qui, en fonction de l'interactivité avec les utilisateurs ou les clients, serait capable d'adapter son offre, ses propositions de choix ».
L'IA n'est pas encore introduite massivement dans le marché, cela implique une méconnaissance et une difficulté de son impact sur le monde de travail. Cependant, l'expert pense que « tous les métiers manufacturiers en usine seront impactés ainsi que les métiers de gestion administrative, les métiers de la santé…. Les métiers plus manuels (artisanat) le seront sans doute moins ou les métiers de la culture ».
De nos jours, plusieurs secteurs sont touchés par l'IA, notre expert a remarqué principalement les secteurs de la finance et de la robotique. La création de nouveaux métiers est une conséquence évidente pour plusieurs personnes. Notre expert pense que la plupart des métiers qui vont permettre le développement et l'introduction de l'IA existent déjà. On retrouve par exemple, les programmeurs, concepteurs d'algorithmes et de robots ainsi que les métiers liés à la chaîne de production des composants nécessaires. Globalement, le bilan sera une baisse du nombre de métiers ainsi que des emplois. Il argumente cette conclusion en comparant l'introduction de l'IA à l'automatisation des processus industriels et administratifs mis en place depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Cependant, cette tendance pourrait s'inverser. En effet, la mise à disposition de cette technologique sera certainement progressive dans le monde entier. Une solution proposée serait “d'utiliser les pertes d'emploi à un endroit en les envoyant vers d'autres régions pour les implanter”.
L'expert pense qu'il faut repenser le modèle économique global, notamment en remplaçant l'indicateur de croissance économique par d'autres indicateurs et d'imposer une contribution financière à la suite de l'utilisation des moyens automatisés pour ne pas reporter les charges sociales uniquement sur les revenus du travail. Il met aussi en avant qu'il faudrait modifier le modèle de répartition des richesses actuelles. Car si l'on suit ce modèle, le choix ira inévitablement vers les machines selon lui. Il faudrait donc créer un modèle où l'on tient compte de l'accès à l'alimentation, la santé, la culture, l'éducation... Pour finir, il ne se sent pour le moment pas menacé dans sa fonction mais nous invite à rester prudent sur ce point vu les avancées technologiques.
Benoît Hamon
Benoît Hamon est un homme politique français. Il a été député européen entre 2004 et 2009 et porte-parole du Parti socialiste (PS) de 2008 à 2012. Il devient membre du gouvernement du 16 mai 2012 au 25 août 2014, en tant que ministre délégué à l'Économie sociale et solidaire et à la consommation puis ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. En 2017, il est le candidat du PS à l'élection présidentielle et préconisait dans son programme une taxe sur les robots dans le monde de l'emploi en France. La taxe visera à alimenter un fond de transition pour le travail, dont la mission sera de créer autant de nouveaux emplois que ceux qui disparaitront. De plus, elle permettra de financer la formation des salariés à ces nouveaux métiers ainsi qu'à la mise en place d'un revenu universel.
Benoît Hamon s'appuie sur des études concernant l'impact de la mécanisation des tâches sur l'emploi. Il est convaincu que le travail va totalement se raréfier ce qui créera des pertes d'emplois ou bien des diminutions d'heures de travail des citoyens. Cela causerait notamment une baisse des revenus pour l'Etat.
Notons tout de même que certaines études sur lesquelles se base Mr Hamon comme celle réalisée par l'OECD (Organisation de Coopération et de Développement Economiques), indiquent qu'en parallèle, de nouveaux emplois sont susceptibles de voir le jour grâce au développement technologique.
De plus, cette taxe sur les robots risque d'accentuer le coût de la production en France et, ainsi, augmenter le risque de dégradation sur la compétitivité et l'attractivité du pays.
De nos jours, le débat sur la question ne fait pas encore rage sur la scène politique, pourtant il estime qu'il est temps de commencer à se positionner sur la question à l'échelle européenne voire mondiale.
Cédric Villani
Mr Cédric VILLANI est un mathématicien et un homme politique français. Il a reçu plusieurs prix dans le domaine des mathématiques.
En 2017, le premier ministre français lui a confié une mission d'information sur la stratégie nationale et européenne en intelligence artificielle. Pour y répondre, Mr Villani a rédigé un rapport intitulé « Donner un sens à l'intelligence artificielle » dans lequel il a examiné tous les domaines concernant l'IA.
Mr Villani est convaincu que le développement de l'intelligence artificielle va induire une quatrième révolution industrielle qui modifiera la majorité des métiers et des organisations. Il nous informe que les premiers métiers automatisables seront ceux ne requérant pas de flexibilité, de capacité d'adaptation, d'habilité à résoudre des problèmes ou ceux ne nécessitant pas d'interactions sociales.
Une solution proposée par cet expert, est de prévoir à l'intérieur du système global existant une marge d'expérimentation. Et ceci en créant de nouvelles structures permettant de tester des méthodes différentes.
En premier lieu, il propose d'installer une structure durable qui a un rôle prospectif à l'intérieur des politiques publiques de l'emploi et de la formation professionnelle. Elle aura pour but de produire des études annuelles sur l'automatisation des tâches, les métiers les plus touchés, les nouveaux emplois créés et les nouvelles compétences devenues nécessaires. Elle devra donc surtout mettre à jour des indicateurs liés à l'automatisations des métiers.
Ensuite, en ciblant les emplois à plus haut risques, le conseil en évolution professionnelle français pourrait contacter les travailleurs de ces emplois afin de trouver une solution avec eux pour leur situation professionnelle et leur proposer des formations pertinentes.
De plus, le congé individuel de formation permettant à un salarié de se former sur des périodes longues. Et ceci grâce à un financement qui pourrait être utilisé afin de faciliter les conversions professionnelles à haut risques.
En outre, Mr Villani a proposé plusieurs solutions à destination des entreprises. Premièrement, il souhaite développer un indice de complémentarité entre l'Homme et la machine défini avec tous les partis prenants. Une fois cet indice défini, la structure produira des informations et de la documentation, à l'attention des entreprises et des partenaires sociaux. Deuxièmement, il propose une solution plus concrète consistant à modifier le code du travail français qui prévoit de base deux types de négociations obligatoires dans l'entreprise. Ces dernières portent sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail. A celle-ci, Mr Villani souhaite y ajouter un troisième critère qui prendra en compte l'adaptation des compétences et la complémentarité entre l'Humain et la machine suite à l'introduction des nouvelles technologies.