Nos experts

Jean-Luc Cassart

Avocat au Barreau de Charleroi 

Alexandre Cassart

Avocat spécialisé en droit des TIC et en droit de l'aviation


 Quel est votre domaine de juridiction ? 

J-L C : Je suis généraliste ( tous les domaines du droit commun, du service aux particuliers au service aux entreprises )

A C : Avocat en droit des technologies  


Avez-vous des connaissances en Intelligence artificielle (IA) ?

J-L C : Sans être ingénieur, je sais ce qu’est une IA et je crois savoir qu’il y en a de différents types (learning machine, deep learning ) mais aucune n’est dotée de conscience

A C : Connaissances théoriques générales (contexte, mécanismes de base), bases de Python et d’analyse de données


Auriez-vous entendu des échos par rapport à l’utilisation de l’IA dans la justice belge ?

J-L C : C’est sans doute en cours d’étude mais rien de concret à ma connaissance sur le plan légal.

A C : Il conviendrait d’abord de disposer des jugements et arrêts dans une forme exploitable. Malheureusement, on en est encore très loin voir à ce sujet les articles d’Adrien Van den Branden et de Jean-Pierre Buyle
(https://www.lecho.be/opinions/carte-blanche/pas-d-intelligence-artificielle-en-droit-sans-l-open-data/9957547.html)


On parle de plus en plus de l’aide de l’IA dans la justice prédictive. Qu’en pensez-vous ?

J-L C : Si la justice prédictive vise à résoudre des crimes qui n’ont pas encore été commis, c’est déjà difficile de les résoudre avec des crimes commis.
Si c’est déterminer à l’avance les chances de réussite d’une action judiciaire, elle ne peut agir que sur une base statistique ce qui est sans intérêt si on veut s’adapter à une situation particulière.
Or tous les dossiers sont différents.


A C : L’IA peut être un outil tout à fait intéressant, mais je doute qu’elle puisse appréhender aisément la complexité des dossiers pour fournir des décisions.
En effet, chaque dossier rassemble un grand nombre de données très hétérogènes et non formalisées, des règles de loi et de très nombreuses notions qui sont sujettes à interprétation, le tout confronté à des habitudes particulières à certaines juridictions.
Je suppose qu’une IA pourra déterminer des grandes tendances dans la jurisprudence en général ou au sein d’une juridiction (tel tribunal est plutôt en faveur du locataire, plutôt du propriétaire, de l’employeur, du salarié…). Cette détermination des tendances sera certainement ardemment combattue par les magistrats qui refuseront de voir leurs biais plus ou moins conscients être mis en exergue.
L’IA pourrait également identifier des cas de jurisprudence similaire qui pourraient être invoqués à l’appui d’une argumentation.
Je ne suis pas certain cependant que – pour l’instant du moins – l’IA puisse pour juger des dossiers.


Que pensez-vous de l’utilisation de l’IA en justice ?

J-L C : Son insensibilité est dangereuse. Elle évacuerait l’humain c’est-à-dire l’émotion, les sens, la conscience, la justice…

A C : Voir réponse à la question :  "On parle de plus en plus de l’aide de l’IA dans la justice prédictive. Qu’en pensez-vous ?"


Pensez-vous que l’IA pourrait être plus facilement acceptable dans d’autres pays plutôt que d’autres ? 

J-L C : Oui sans doute dans les pays peu démocratiques où elle consoliderait le pouvoir établi puisque pour faire une IA, il faut des humains qui créent des algorithmes donc il y a toujours un biais.
Voir aux Etats Unis, les décisions défavorables aux noirs rendues par cette justice expéditive.
Voir aussi le nombre important d’erreurs lors de reconnaissances faciales des noirs encore


A C : Je ne sais pas
L’aide à la recherche de jurisprudence (les précédents) serait sans doute particulièrement recherchée dans les pays de tradition de common law.
 


Selon vous, dans quelle mesure IA doit décider (totalement, IA doit seulement être une aide, …) ? 

J-L C : Le cas échéant, une aide mais avec beaucoup de retenue.

A C : Voir réponse à la question : "On parle de plus en plus de l’aide de l’IA dans la justice prédictive. Qu’en pensez-vous ?"
Je pense qu’elle peut être une aide mais qu’elle ne peut pas trancher


Feriez-vous appel à IA pour vous aider dans vos décisions ?  

J-L C : Oui si j’étais médecin


Si un jour vous êtes justiciable, seriez-vous pour ou contre IA ? 

J-L C : Contre, car elle donne l’impression de ne jamais se tromper alors que la justice humaine donne plusieurs chances (appel, opposition, cassation, cour de justice extra nationale..)

A C : Cela dépend de l’utilisation



Est-ce qu’en tant qu’avocat, vous êtes-vous déjà servis de la sensibilité du juge pour plaider ? 

A C : Bien sûr. Certains juges ont des sensibilités (plutôt de gauche, plutôt de droite), des manières de mener une audience (ils posent beaucoup de questions, restent silencieux), aiment les questions théoriques de droit ou préfèrent trancher en équité.


Avez-vous déjà réfléchi à la manière dont vous orienteriez vos arguments si vous aviez une IA en tant que juge en face de vous ?

J-L C : Non mais je suis sûr qu’il y a moyen de la tromper.
En effet, les faits sur lesquels elle se devrait se fonder lui sont apportés par les plaideurs.
Il y a toujours moyen de les présenter sous différentes formes.


A C : Il faudrait avoir une information minimale sur le fonctionnement de l’IA et les éléments qui ont le plus de poids dans son analyse. Le risque évidemment est d’aboutir à des conclusions hyper optimisées pour satisfaire l’IA.