Qu’est-ce que l’éthique ?


  L’éthique tire son origine du mot grec « ethos », ce qui signifie « manière de vivre » et s’intéresse à la conduite des individus en société. Elle étudie ce qui est bien ou mal, juste ou injuste et se distingue de la morale par le fait qu’elle soit discutable. Nous sommes parfois confrontés à des choix, des dilemmes dont il faut trouver la bonne réponse. L’éthique permet de réfléchir, de discuter d'une problématique et de trouver le meilleur choix à faire. Pour répondre à notre question éthique, nous allons appliquer les 3 grands courants de philosophie qui sont l’éthique des vertus, des devoirs et des conséquences.


Éthique des vertus


  L’éthique des vertus ou eudémonisme est un courant philosophique qui place la recherche du bonheur comme quête principale de l’Homme. Selon Aristote, tout tend vers la perfection de sa forme, en harmonie avec l’univers. Pour y parvenir, il faut tendre vers un équilibre entre l’excès ou le défaut de vertus qui sont la justice, l’honnêteté, le courage, etc. L’excès du courage est la témérité et le défaut la lâcheté. Ces actions doivent être sans une quelconque intention et, à force de les répéter, nous pouvons les apprendre, les perfectionner afin de devenir quelqu’un de bien et d’heureux.


  Dans notre situation, une personne qui aurait accès au métavers pourrait trouver cet équilibre, même s’il a commis des torts et se trouve en prison. Ce serait d’autant plus intéressant dans le cas d’une prison que d’une personne lambda en liberté. En effet, le prisonnier aurait particulièrement besoin du métavers pour s’entrainer et apprendre les vertus qui sont si importantes afin de devenir quelqu’un de bien. Le métavers pourrait lui permettre d’acquérir, de travailler ces vertus dans le monde virtuel. Une fois le détenu libéré, il pourrait appliquer ce qu’il a appris dans le métavers au monde réel. Par conséquent il sera devenu une meilleure personne. Un des espoirs du métavers serait ce développement de vertus. Ce serait comme une deuxième chance pour ces individus qui veulent changer et aller de l’avant. L’utilisation du métavers dans le cadre de ce principe d’apprendre via la répétition de tâches vertueuses est en accord avec l’éthique des vertus.


  Il est a noté que le détenu pourrait être sans volonté et que le métavers ne lui serait d’aucune utilité. Il pourrait même être en désaccord avec l’éthique des vertus s’il va sur le métavers pour fuir sa réalité et ne rien y apprendre. Ce serait vu comme un manque de courage, un acte lâche et fainéant. Dans ce cas, le métavers devra être disponible aux personnes qui le veulent vraiment. Bien sûr on pourrait imaginer surveiller ce que font ces personnes dans le monde virtuel. On pourrait ainsi voir comment elles agissent éthiquement et mesurer les risques de récidives. On pourrait leur accorder des peines réduites, par exemple si elles ont un bon comportement dans ce monde virtuel ou au contraire les allonger si elles ont un mauvais comportement. Bien sûr, tout cela reste hypothétique et donner accès au métavers aux personnes emprisonnées posent beaucoup de questions juridiques, sociales, …

Éthique des devoirs


  La déontologie ou l’éthique des devoirs dit que chaque acte moral doit être jugé selon sa conformité à certains devoirs. Pour Emmanuel Kant, le devoir est « la nécessité d’accomplir une action par respect pour la loi » et l’humain trouve en lui-même sa propre loi. Chaque humain dispose d’une raison pratique et il est capable d’agir en dehors de la simple connaissance. Les deux impératifs de la raison sont hypothétiques et catégoriques.



  On peut faire un parallèle entre le monde réel qui est la "vérité" et le monde virtuel, le mensonge car le métavers n'est pas "réel". Les plaisirs ou les devoirs dans le métavers seraient faux et ne seraient pas éthiquement déontologique. Par contre, tout comme pour l’éthique des vertus, utiliser le métavers pour apprendre, s’améliorer à une tâche est presque une obligation. En effet, il est un devoir de s’entraîner à être un bon citoyen. Si le métavers est le meilleur moyen alors il devient une obligation. Mais ça peut poser question sur l’impératif qu’il soit accessible à tous. Chaque type de prisonnier ne peut pas y avoir accès, en tout cas pas de la même manière et en toute circonstance. On voit mal un prisonnier économique et financier qui a fait des malversations avoir accès librement au métavers! L’accès au métavers amène de ce fait plusieurs points d’interrogation.


  Dans la déclaration de Montréal pour un développement responsable de l’intelligence artificielle paru en 2018, plusieurs principes et valeurs éthiques ont été mis en évidence sur l’IA dont le devoir d’équité, devoir de protection de l’intimité et de la vie privée. Faut-il surveiller les faits et gestes des prisonniers et nuire à ce devoir ? Que faire des données personnelles ? Nous devons respecter l’humanité de chaque homme même s’il a commis des crimes. On peut aussi trouver le principe de respect de l’autonomie qui dit que : « Les SIA ne doivent pas être développées ni utilisées pour prescrire aux individus un mode de vie particulier, soit directement, soit indirectement, en mettant en œuvre des mécanismes de surveillance, d’évaluation ou d’incitation contraignants. ». Ou encore le principe de bien être qui dit entre autre que : « Les SIA doivent permettre aux individus de satisfaire leurs préférences, dans les limites de ce qui ne cause pas de tort à un autre être sensible. ». Il y aussi une obligation de ne pas créer d’addiction dans l’éthique des devoirs car créer une quelconque addiction n’est pas une bonne chose.

Éthique des conséquences


  Contrairement aux éthiques des vertus et déontologiques, l'éthique conséquentialiste repose sur les conséquences de nos actions, sur le fait qu'une action soit morale ou non, déterminé par le fait qu'elle entraîne des conséquences positives ou négatives. On doit donc déterminer le caractère moral de celles-ci en adoptant cette approche de l'éthique des conséquences !


  Comme on l'a déjà expliqué, le métavers peut aussi bien créer de nouveaux enjeux que faire intervenir parfois de nouveaux problèmes. Dans notre situation, un détenu qui aurait accès au métavers pourrait difficilement avoir de bonnes conséquences de ses actes. Cependant, le métavers serait une sorte de seconde chance où il pourrait se divertir, se changer les idées du fait d’être en prison, et prendrait cela comme un jeu où il ne fera rien qui puisse le mettre en tort ou au contraire il ne fera pas les choses sérieusement et continuera ses méfaits. On ne verrait donc pas de conséquences qui seraient potentiellement réalistes du fait que le métavers reste virtuel, et donc ne reflèterait pas réellement le comportement attendu pour tester leur récidivisme.



  Si nous prenons comme vision l'utilitarisme, le bonheur des prisonniers content de se détacher d’une partie de la prison (si on imagine leur accès au métavers total, c’est à dire en lien avec d’autres personnes dans le monde) va augmenter le bonheur total, mais s’ils commettent des actes répréhensibles sur d’autres, le malheur des autres diminuera le total. Selon John Stuart Mill, il faudrait maximiser les plus grands plaisirs au profit d’une maximisation globale, c’est pourquoi le plaisir des détenus seraient mis en second plan.


  On pourrait également imaginer un "serveur local" réservé aux prisonniers avec simulations personnalisées selon le crime, pour observer leurs actes et étudier les conséquences positives ou négatives qui peuvent atteindre d'autres personnes dans le monde. Mais au fond, pour un prisonnier qui n’a que le plaisir comme échappatoire, la machine proposée par le philosophe Robert Nozick serait la priorité absolue pour eux. Cette « machine à expérience » serait très certainement le métavers qu’on leur proposerait pour soi-disant améliorer leur comportement. Mais pour un criminel en prison, est-ce que le bonheur ne serait-il pas le crime (comme défouloir infini, sans répercussion directe) plutôt que de vivre avec repentance et profiter de cette seconde chance ?