L’utilitarisme est une théorie éthique fondée par Jeremy Bentham. Comme le nom le suggère, l’utilitarisme se fonde sur le principe de l’utilité [11]. Dans l’utilitarisme, un acte est considéré comme moralement correct s’il produit un maximum de bonheur pour un maximum de personnes. Par conséquent, un acte est considéré d’immoral s’il produit plus de peine que de bien au plus grand nombre de personnes. Il existe plusieurs dérives de la pensée utilitariste. Nous allons ici traiter nos deux questions d’un point de vue Hédoniste et contemporain [12].
L’utilitarisme ne s’est pas limité à la forme de pensée Hédoniste. Celle-ci pose certaines
problématiques. Voici un exemple apporté par Robert Nozick :
"Supposez qu’il existe une machine à expérience qui soit en mesure de vous faire vivre n’importe
quelle expérience que vous souhaitez. Des neuropsychologues excellant dans la duperie pourraient
stimuler votre cerveau de telle sorte que vous croiriez et sentiriez que vous êtes en train
d’écrire
un grand roman, de vous lier d’amitié, ou de lire un livre intéressant. Tout ce temps-là, vous
seriez en train de flotter dans un réservoir, des électrodes fixées à votre crâne.
Faudrait-il que vous branchiez cette machine à vie, établissant d’avance un programme des
expériences de votre existence ?"
Si notre bien ultime était réellement le plaisir, chaque individu consentirait à être relié à cette
machine. Cependant, dans la réalité, il est peu probable que des personnes acceptent d’être
branchées à une telle machine. Beaucoup de personnes considèreraient qu’une telle vie ne mérite pas
la peine d’être vécue. L’humain ne cherche donc pas le plaisir à tout prix, mais de vivre et de
faire des choix ayant un réel impact. Ceci a donné naissance au courant de pensée utilitariste contemporain.
Mise en situation
Pierre souhaite s’inscrire sur une application de rencontre afin de trouver la personne idéale pour
lui. Lors de l’inscription, celui-ci encode plusieurs informations personnelles (âge, métier,
loisir, …). Les informations personnelles doivent-elles être utilisées par
l’application pour adapter ses propositions ?
Dans la situation où l’application n’établit pas de bulles de filtrage, Pierre sera confronté à une grande quantité de profils qui ne l’intéresseront probablement pas. Certains profils seront plus intéressants que d’autres, mais dans la majorité des cas, les propositions ne seront pas pertinentes. Dans le cas où l’application emploi des bulles de filtrage, le contenu proposé à Pierre sera donc plus adapté. Les profils seront plus appropriés. Il aura alors plus de possibilités de faire de rencontres concluantes qui lui donneront satisfaction. Cette branche de la philosophie utilitariste serait donc en faveur des bulles de filtrage. En personnalisant leurs contenus, les applications et pages Web auront plus de chance de maximiser le plaisir de la majorité des personnes concernées. Cependant, cette affirmation n’est présente que pour des applications et sites Internet dans le domaine du loisir. Si l’utilisation de la bulle de filtrage n’offre pas d’avantage de plus-value, celle-ci ne devrait pas être adoptée.
Mise en situation
C’est bientôt les élections et Pierre souhaite se documenter sur les différents candidats. Pour ce
faire, il se renseigne à l’aide de son moteur de recherche et sur les réseaux sociaux. Les moteurs de recherche et réseaux sociaux doivent-ils
utiliser des bulles de filtrage ?
Si nous abordons cette question d’un point de vue Hédoniste, il faudrait regarder si les bulles de
filtrage apportent le plus de plaisir au maximum de personnes impliquées. Dans le cas où le plaisir
total est plus important avec les bulles de filtrage, il faudrait maintenir celles-ci.
Dans la branche contemporaine, à l’aide de la théorie de Robert Nozick, nous avons appris que
l’homme ne recherche pas le plaisir avant tout. Il souhaite faire des choix ayant un réel impact sur
le monde. C’est la « Satisfaction des préférences » qu’il faut donc chercher à maximiser. Pierre
voudrait avoir un maximum d’informations sur les candidats de façon arbitraire. Pour cela, il
faudrait que la bulle de filtrage soit donc impartiale d’un point de vue politique ou qu’il n’y ait
pas de bulle de filtrage.
Cependant, si Pierre n’a pas une pensée utilitariste, il se peut qu’il ne prenne pas le choix
maximisant l’utilité du plus grand nombre de personnes. Dans cette situation, les services
d’informations se doivent d’orienter son choix. Dans la pensée utilitariste, il n’est pas grave de
mentir ou de cacher certaines informations si le but est de maximiser l’utilité au plus grand nombre
de personnes. L’utilitarisme contemporain est donc hésitant. Son avis
varie en fonction de la situation.
Mise en situation
Pierre souhaite s’inscrire sur un nouveau réseau social. Durant l’inscription, celui-ci se voit
confronté à un document de plusieurs pages. En bas de page, le document demande à Pierre de
confirmer d’avoir lu et d’accepter les conditions d’utilisation. Pierre doit-il lire en détail le document ?
Dans la situation où Pierre lit le document de façon attentive, celui-ci prendra conscience des
implications. En prenant connaissance de celles-ci, sa façon d’utiliser le réseau social aura
peut-être changé. Si Pierre ne lit pas les conditions d’utilisation, son interaction avec le réseau
social ne sera pas altérée. Il pourra employer le service sans modération et sans connaissance des
implications.
La pensée Hédonisme cherche uniquement à maximiser le plaisir du plus grand nombre de personnes
impliquées. Elle ne cherche pas à savoir s’il est correct de cacher ou de rendre difficilement
accessibles certaines informations.
Malheureusement, il est impossible de savoir à l’avance si les informations personnelles divulguées
sur le réseau social auront un impact négatif ou positif envers les personnes impliquées. Le service
devrait donc imaginer différents scénarii et opter pour le scénario le plus probable tendant à
maximiser le plaisir au plus grand nombre de personnes impliquées.
Dans le cas de l’utilitarisme contemporain, nous avons vu, que l’individu peut être capable de faire
des choix ayant un réel impact. Lorsque le service demande au nouveau consommateur d’accepter les
conditions d’utilisation, le choix revient au consommateur.
C’est à lui que revient la tâche de choisir l’action moralement correcte afin de maximiser
l’utilité. Pour que cette tâche soit accomplie dans les meilleures conditions possibles, il ne doit
pas être influencé.
Cependant, si l’individu en question, n’a pas une pensée utilitariste, il ne cherchera pas forcément
à maximiser l’utilité au maximum de personnes impliquées. Le nouveau consommateur cherchera plutôt à
maximiser son utilité personnelle sans prendre en compte celles des autres. Dans cette situation, le
réseau social devrait influencer son choix vers la bonne direction.
En ce qui concerne la bulle de filtrage, le courant utilitariste est globalement en faveur des bulles de filtrage. Si la bulle influence des personnes dans des choix d’importance majeure, cela doit uniquement être fait dans le but de conduire vers l’action ayant pour conséquence de maximiser l’utilité au plus grand nombre de personnes impliquées.
Dans le cas de la prise de conscience du consommateur, le courant utilitarisme a une idée bien précise. Si le nouveau consommateur à une pensée utilitariste, celui-ci ne doit pas voir son choix influencé. La personne utilitarisme sera à même d’entreprendre l’action moralement correcte. Cependant, si le nouveau consommateur n’est pas partisan de la pensée utilitariste, il est possible que ses actes ne visent pas à maximiser l’utilité au plus grand nombre de personnes. Le service d’inscription doit donc cacher ou rendre difficilement accessibles certaines informations afin de rendre les actions moralement correctes.