Analyse selon trois éthiques

1. Ethique des vertus

Selon l'eudémonisme et la pensée d'Aristote, nos actions sont motivées par une quête du bonheur. Pour cela, nous nous devons de rester en adéquation avec nos valeurs pour ainsi devenir vertueux au travers de nos actes. L'éthique des vertus ne permet donc pas de déterminer si une action est bonne ou mauvaise dans l'absolu mais elle se concentre essentiellement sur l'individu et l'interroge sur sa qualité morale à effectuer une action.

Application de l'éthique des vertus.

Aristote

Pour appliquer cette éthique à notre sujet, nous devons d'abord définir le contexte et l'acteur de l'action. Prenons le cas d'un artiste musical qui est en recherche d'inspiration pour créer sa nouvelle œuvre. Avec l'avènement de l'Intelligence Artificielle dans le monde de l'art, il décide d'utiliser ces nouveaux outils.

Dans cette situation, nous pouvons mettre en évidence la vertu de la créativité qui se trouve entre les vices de la banalité et de l'extravagance. En effet, les artistes ont une volonté de créer, d'imaginer et d'innover. Dès lors, nous pouvons nous questionner sur l'impact de l'utilisation de l'Intelligence Artificielle sur le développement de la créativité chez un artiste.

Dans la 1ère situation, nous pouvons considérer que l'utilisation de l'IA n'est en rien différent des autres outils numériques déjà existants pour concevoir de la musique et ne nuit donc pas à l'esprit novateur des artistes. Au contraire, nous pouvons voir l'IA comme une aide et une nouvelle manière de produire une œuvre artistique. C'est notamment l'avis de Stromae et d'autres artistes qui ont fait usage de l'Intelligence Artificielle pour la conception de l'album « Hello World » sorti en 2018.

Dans la 2ème situation, nous pouvons remettre en question la créativité de l'artiste. En effet, le principe même de cette vertu est le fait de rechercher la nouveauté pour apporter sa touche personnelle à son œuvre. Un artiste qui n'apporte rien de particulier à son œuvre ne peut donc pas être considérer comme créatif.

2. Ethique des devoirs

Selon Kant, un être moral est un être qui respecte des règles et des obligations. Le déontologisme ou l'éthique des devoirs permet alors de déterminer si une action en elle-même est bonne ou mauvaise en vérifiant si cette dernière suit une loi ou un devoir. Pour devenir moral, un individu doit donc respecter un impératif catégorique qui le pousse à agir de manière juste et responsable envers les autres et la société.

Application de l'éthique des devoirs

Beethoven

Pour appliquer cette éthique à l'utilisation de l'IA dans l'art, nous pouvons nous pencher sur la législation sur le plagiat. En effet, copier entièrement une œuvre ou même partiellement sans revendiquer l'origine de celle-ci est interdit par la loi. Or, pour la création d'une œuvre par une Intelligence Artificielle, il est nécessaire de l'entrainer avec un grand nombre de données et il arrive que certains artistes n'ayant pas donné leur accord remarquent une ressemblance très frappante entre les œuvres générées par une IA et leurs propres œuvres.

Nous pourrions nous demander si nous pouvons qualifier cette action de plagiat ou d'inspiration, comme ce pourrait être le cas pour d'autres artistes. Toutefois, il est difficilement concevable qu'une IA puisse simplement s'inspirer. En effet, l'inspiration est l'idée de prendre connaissance d'autres œuvres et d'utiliser sa vision et son ressenti personnel pour produire une autre œuvre. Le problème de l'IA est alors qu'il n'y ait pas une phase d'internalisation profonde mais un simple apprentissage rationnel, systématique et mathématique.

L'utilisation d'une IA entrainée avec des œuvres d'autres artistes est donc problématique mais qu'en est-il alors d'une IA entrainée entièrement avec des œuvres libres de droits ?

Pour évaluer cette action, nous pouvons définir la maxime suivante à partir des réflexions précédentes : « L'art doit être le résultat d'une conception personnelle et d'un sentiment personnel ». Respectant les principes d'universalisation, de dignité humaine et de législation, cette maxime peut être considérée comme un impératif catégorique. Sur base de cela, nous pouvons donc qualifier d'œuvre d'art une œuvre si un individu a participé au processus créatif de cette dernière. Rajoutons que légalement, l'individu peut bénéficier du droit d'auteur pour ce type d'œuvre, ce qui n'est actuellement pas le cas pour une œuvre générée entièrement par une IA.

3. Ethique des conséquences

L'éthique des conséquences est une éthique qui juge la moralité d'une action de par ses conséquences. Si les conséquences d'un projet sont bénéfiques/positives, tout le projet sera jugé comme étant bénéfique/positif et ce, peu importe les moyens mis en œuvre pour y arriver. Et l'inverse si le projet produit des résultats nuisibles/négatifs. C'est l'éthique de l'adage “La fin justifie les moyens”.

Application de l'éthique des conséquences :

Le point de vue de l'éthique des conséquences est très intéressant à étudier pour notre question car si l'on regarde uniquement la conséquence esthétique ou utilitaire de la création d'une œuvre par une IA, est-ce que le fait qu'il s'agisse d'une œuvre générée par une IA importe vraiment ?

Si on trouve qu'un œuvre est belle sans savoir comment elle a été réalisée, que ce soit par un humain, par une IA ou par les deux ensemble, cette œuvre reste belle. Ce qui va nous intéresser, c'est ce que l'œuvre nous inspire et nous fait ressentir et non les moyens mis en œuvre pour arriver à celle-ci. La qualité artistique d'une œuvre va dépendre au final du résultat pur et non du concepteur de cette œuvre.

Maintenant, on peut se questionner sur l'utilité d'une œuvre générée par l'intelligence artificielle. Est-ce qu'une telle œuvre est bénéfique et souhaitable ? Ou alors a-t-elle des conséquences nuisibles pour la société ?

Une œuvre générée par l'IA peut apporter du divertissement, un gain de temps, de coût,… L'œuvre peut en fait apporter exactement les mêmes bénéfices qu'une œuvre classique créée par un humain si on fait abstraction de l'auteur et, éventuellement, du sens qui se trouve derrière l'œuvre.

Ainsi, on peut se demander si l'arrivée sur le marché d'œuvres créées par des IA a un sens et peut faire évoluer la société ou si cela ne va pas plutôt nuire aux artistes, enlever son charme et son intérêt à l'art, noyer le marché, ...

On voit maintenant qu'il peut y avoir des conséquences positives et négatives à l'arrivée des œuvres générées par IA sur le marché de l'art, c'est donc à l'appréciation de chacun de trouver de quel côté penche la balance.

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