ETHIQUE

Impression 3D pour le corps humain

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L’impression 3D est une technologie qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Au début destiné uniquement à la construction rapide de prototype simples, l’impression 3D permet aujourd’hui bien des choses. Pour ne citer que les plus mirobolantes : impression de structures dans l’espace, fabrication de formes impossibles avec d’autres méthodes de fabrications, mécanismes pliables (compliant mechanisms) et plus récemment la fabrication dans l’urgence de produits sanitaires pour les hôpitaux pendant la crise du COVID-19.






Un autre domaine qui est sur le point d’être révolutionné par l’impression 3D est le secteur médical. Il est déjà possible d’imprimer des os en tout genre et il sera bientôt possible d’imprimer de la peau créée à partir de vos propres cellules. Ces choses peuvent facilement aider quelqu’un dans le besoin et avec la promesse de prix assez bas, intrinsèquement liée avec la technologie de l’impression 3D. Mais il est fort probable que les technologies permettent de créer des organes plus fiables ou plus performants que ceux dans le corps humain. Un questionnement éthique peut donc avoir lieu :

Est-il éthique de développer et d'utiliser les technologies de l'impression 3D appliquées au corps humain ?

ETAT DE L'ART



Une machine capable de fabriquer des objets de formes et de tailles différentes a été encrée dans l’imaginaire humain depuis la science-fiction des années 60 et 70. Les réplicateurs et synthétiseurs de l’univers de Star Trek ont fait rêver beaucoup de passionnés pendant des années.


Le premier brevet relatif à l’impression 3D date de 1984 mais il faut attendre 1988 pour que la première imprimante 3D soit commercialisée. Très tôt dans l’histoire de cette technologie, de nombreuses personnes ont inventé différentes techniques permettant d’arriver à des résultats très similaires.


Avant les années 2000, seules les grandes entreprises avaient accès à cette technologie. Il a fallu attendre 2006 pour que l’on voit apparaitre la première imprimante open source, c’est le projet RepRap. C’est à partir de là que l’impression 3D est rentrée dans la culture générale.


De nos jours, 2 méthodes dominent la grande majorité des impressions. La FSD (Fused Deposition Modeling) qui est la méthode utilisée par la plupart des imprimantes personnels. Cette technologie consiste à faire fondre un fin fil de résine avant de le déposer sur le plateau d’impression. La qualité de l’impression dépend donc de l’épaisseur de la buse par laquelle le fil passe. Le temps d’impression est très conséquent pour cette technique.


L’autre méthode utilisée est la stéréolithographie avec traitement lumineux. Ici, la matière première est présente sous forme de liquide extrêmement visqueux qui se solidifie en présence d’ultra-violet. Il suffit ensuite d’immerger un écran dans ce liquide et de projeter chaque couche de l’objet sur cet écran. Cette technique coûte substantiellement plus cher que la première mais elle permet d’obtenir des résultats bien plus précis en beaucoup moins de temps.

Un domaine qui est sur le point d’être révolutionné par l’impression 3D est le secteur médical. Il est déjà possible d’imprimer des os en tout genre. Plusieurs entreprises belges offrent déjà la possibilité d’imprimer des os, notamment pour des opérations de reconstruction faciale.

Le sous-domaine le plus prometteur de l’impression 3D médicale est la bio-impression. Ce domaine étudie l’impression de tissus organiques. Le but étant de reproduire la structure, la vascularité ainsi que les propriétés mécaniques des tissus humains. Le premier organe à avoir été imprimé était un rein de taille miniature en 2002 (cet organe n’était pas vascularisé). Depuis, la recherche ne s’est pas arrêtée. Après avoir imprimé un rein de taille réelle, les chercheurs se sont attelés à rendre ces organes viables. Cet objectif a depuis été atteint pour les tissus organiques mais pas encore pour les organes au complet.

Plus récemment, une équipe de chercheurs a réussi à imprimer un cœur vascularisé de taille miniature avec des résultats plus qu’encourageants. Mais l’expérience la plus aboutie a vu des souris stériles se faire implanter des ovaires imprimés en 3D. Après une semaine, les ovaires s’étaient intégrés au reste du corps de la souris et après fécondation naturelle, 3 des 7 souris ayant subi l’opération ont donné naissance à des souriceaux en parfaite santé.

Quelques notions de vocabulaire nous semblent nécessaires pour comprendre au mieux les subtilités entre les différents types de corps imprimés en 3D pour le corps humain.

Un corps biologique est dit prothétique lorsqu’une de ses parties est remplacée par une partie artificielle.


Il existe 4 types de prothèses :

· Les implants articulaires (hanches, etc…) visant à rendre une mobilité perdue au patient.

· Les prothèses esthétiques (implants mammaires, épithèses de nez, etc…) visant à réparer les corps en dommagés ou à les améliorer esthétiquement sur demande.

· Les implants sensoriels (implant cochléaire, implant cristallinien, implant rétinien) visant à restituer (ou constituer) un sens de notre corps.

· Les prothèses orthopédiques externes (prothèses d’orteil, de doigt, de pied, de main, de bras, de jambe) visant à remplacer un de nos membres pour remplir une fonction motrice ou de préhension.


Et il faut ajouter à cela :

· Les organes artificiels : organes créés artificiellement à l’aide d’une technologie (Impression 3D, clonage, …)

· Les améliorations d’un point de vue transhumaniste : ajouts qui surpassent les capacités dites "normales" d’un être humain. Par exemple, des yeux qui permettraient de voir précisément une pomme à un kilomètre de nous.










QUESTIONNEMENT ETHIQUE

L’utilitarisme est une doctrine en éthique sociale dont le but est de maximiser le bien-être collectif. Cette doctrine, dont l’origine vient du philosophe anglais Jeremy Bentham et qui a été par la suite surtout étendue par John Stuart Mill, découle de la théorie conséquentialiste, qui juge nos actions et nos décisions uniquement sur les conséquences qu’elles vont engendrer. C’est donc un doctrine de l’éthique en contradiction avec le déontologisme de Kant.


Il est clair que prodiguer des soins via des prothèses est une action éthique. En effet, les différentes blessures ou déformations qui affligent une personne lui créent un malheur. Soigner ces blessures revient donc contrer ce malheur, qui augmente le bonheur de cette personne et donc le bien-être collectif. Utiliser l’impression 3D dans ce but, en imprimant des prothèses qui pallient à ces blessures et déformations, tel que des implants articulaires ou sensoriels, est donc éthique.

Evidemment, elle répond aux mêmes conditions que l’adminstration de soins. En effet, la médecine, dont notre sujet fait partie, devrait être ouverte à tous car sinon le bien-être ne serait pas collectif. Si juste une frange limitée de la population a accès à cette technologie dans le cadre médical, du fait que ces personnes aient plus l’argent ou un statut social particulier, seul le bien-être de ces derniers va augmenter et cela n'aura qu'un faible impact sur le bien-être de tout un chacun.

Enfin, nous pourrions nous dire que prodiguer des soins à certaines personnes peut être une action immorale si ces personnes se révelent être néfastes par la suite. Fournir des prothèses à Oscar Pistorius semblait être une bonne idée pour l'accomoder de l’amputation de ses deux jambes et réduire ainsi sa souffrance. Mais ca revient à aider une personne qui sera par la suite inculpé pour le meurtre de sa compagne. D’après l’utilitarisme, c’est donc, à posteriori, un acte immoral. Cependant, le but est ici non pas d’analyser des cas mais plus d’établir des règles de vie. Il y a fort à parier que des cas comme Oscar Pistorius sont relativement rares. De plus, il n’est pas possible de prédire à l’avance comment un être humain se comportera dans le futur. L’administration de prothèses issue de l’impression 3D dans un but médical est donc quelque chose d’éthique.


Si nous pouvons imprimer en 3D des prothèses dont le but est de combler à des blessures ou à des déformations, il n’est pas idiot de penser à des prothèses qui, non seulement en plus mais aussi à la place de soigner, permettent d’entreprendre des actions qui seraient impossible sans ces prothèses. Dans ce cas, serait-ce une action éthique de développer de telles prothèses d’après l’utilitarisme ?

Cela est beaucoup plus conditionnel qu’un simple soin. D’abord, il faut, comme les soins, que cette technologie soit accessible au plus grand nombre et non limité à une partie, et ce pour les mêmes raisons que dans les cas des soins expliqués plus haut. Ensuite, il y a une question plus complexe au niveau de l’utilisation de cette technologie. Ce ne serait pas pour simplement remplacer une partie du corps mais bien pour faire de nouvelles activités qui eux peuvent être immorales. Nous pourrions imaginer, par exemple, des prothèses de combat utilisées par des criminels ou par une armée autoritaire. Il est donc nécessaire de régulariser quel type de prothèse peut être imprimé et ce au cas par cas.

De plus, on pourrait se dire que même des implants dont l’objectif est à priori sain peut être utilisé à mauvais escient. Une prothèse qui permet d’augmenter la force humaine dont le but est d’aider dans la production sur les chantiers donnera certainement un avantage dans les combats à main nues. Cependant, il ne faut pas oublier que de telles prothèses pourraient faciliter la tâche à de nombreuses personnes. L’ouvrier de chantier sera bien heureux d’avoir une prothèse qui lui permet de porter des sacs de béton plus facilement. Il ne faut cependant pas oublier qu’à l’heure actuelle, porter une prothése reste douloureux, éprouvant et nécessite un apprentissage long et pénible. Il ne faut donc pas forcer, par pression sociale ou sélection à l’embauche, la population à porter de telle prothèse si cela est néfaste pour eux car le bien-être collectif s'en verrait impacté négativement.



Le déontologisme est un développement éthique basé sur nos devoirs, elle s’oppose au conséquentialisme et donc à l’utilitarisme. Ces devoirs ne dérivent que de l’impératif catégorique selon Kant. En effet, Emmanuel Kant est l’auteur qui a développé le déontologisme dans sa version la plus complète. Le déontologisme peut se baser sur deux citations de ce dernier : « Agis uniquement d'après la maxime qui fait que tu puisses vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle. » et « Agis de façon telle que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans toute autre, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen. »



Pour le déontologisme, il est clair qu’il est de notre devoir, nous, êtres humains, d’investir et de permettre aux scientifiques, chercheurs et médecins de développer et d’utiliser l’impression 3D dans le domaine médical. Cette technologie pouvant permettre des avancées non-négligeables pour le bien-être et la bonne santé d’humain, son développement s’inscrit parfaitement dans les devoirs de l’humanité. On peut souhaiter à soi-même et aux autres de vivre plus longtemps et plus correctement et l’humain n’est pas traité comme moyen quand il s’agit de sa survie. Le développement de l’impression 3D appliquée à l’être humain est éthique déontologiquement parlant si ce développement a pour but de soigner ou d’améliorer la qualité de vie des êtres humains.



Cependant, le déontologisme apportera une nuance sur le développement de cette technique pour améliorer les capacités physiques ou mentales des êtres humains. En effet, répondre à la question « est-il de notre devoir d’améliorer les capacités naturelles de l’Homme ? » par un simple « oui » est plus compliqué. En effet, si ces améliorations sont effectuées pour réaliser des actions ne répondant pas au devoir de Kant ou que ces améliorations transforment l’humain comme un moyen, alors il n’est pas éthique déontologiquement de les réaliser. Ces améliorations ne pourraient être créés et utilisés dans un but et des actions bien précises. Les améliorations éthiques seraient celles qui permettraient d’améliorer la condition d’un travailleur (par exemple en l’empêchant de se blesser).



L’éthique de la responsabilité selon Hans Jonas est une éthique de valeurs. En effet, elle dit que certains éléments tel que la nature, la vulnérabilité de l’espèce humaine, son unicité et l’autre, vivant ou non, sont importants. La notion de valeur vient du fondement paradigmatique et de l’appui de cette éthique sur les sentiments et sur la raison. Cette éthique essaye de prendre en compte les générations futures pour prendre une décision. L’éthique de la responsabilité veut donc que les conséquences de nos actes n’agissent pas vers la destruction de l’être humain, que l'homme ne devienne pas une malédiction pour lui.


Appliquée à notre sujet, l’éthique de la responsabilité développe un avis plus nuancé du développement inconditionnel des technologies de l’impression 3D dans la médecine. En effet, permettre à l’humain de récupérer un bras ou de remplacer un organe déficient peut être considéré comme une atteinte à l’authenticité de la nature humaine et à sa vulnérabilité. Certes dans un premier temps, il est clair que permettre de sauver des vies est louable mais si nous poussons la technologie de l’impression 3D plus loin, il sera bientôt possible de remplacer des organes à volonté, guérir de maladie incurable, améliorer ses capacités physiques, prolonger sa durée de vie. Pour l’éthique de la responsabilité, il est clair que répondre, sans hésiter, "oui, il faut développer cette technologie pour sauver des vies" n’est pas évident, il faut apporter des nuances.


Développer l’impression 3D dans le domaine médical est, pour l’éthique de la responsabilité, louable si les dirigeants posent des limites à son développement pour que celui-ci ne dépasse pas le domaine de la guérison. Les scientifiques spécialisés dans ce domaine doivent eux aussi poser une limite à ce développement. En effet, développer sans limite l’impression 3D, c’est toucher à la vulnérabilité de l’humain, à son unicité et à sa nature même. Pourrons-nous encore appeler « être humain » des êtres qui auront amélioré leurs capacités physiques ? Pourrons-nous encore parler d’être humain quand il sera possible de régénérer des parties de notre corps, combattre la vieillesse ? Développer sans limite cette technologie est trop risqué.


Il n’est donc pas éthique de pousser le développement de l’impression 3D dans le domaine médical pour l’éthique de la responsabilité. Ce développement présente un risque trop élevé que la nature de l’être humain ne change. Il doit être limité par les politiques et les scientifiques doivent se limiter au strict minimum. Si l’impression 3D permet, un jour, d’améliorer physiquement ou mentalement l’être humain, alors la nature de ce dernier aura été modifiée et ce n’est pas acceptable pour l’éthique d’Hans Jonas.

SONDAGE


On constate que la grande majorité des sondés sont jeunes adultes.




On peut voir que la majorité des sondés sont des femmes. A noter que cette question n’était pas obligatoire : deux personnes n’y ont pas répondu. Cela est cependant négligeable vu la quantité de réponse.




On constate également que les sondés ont une éducation et des connaissances variées, même si la majorité ont un bachelier académique.


On peut voir également sur le graphe suivant que environ 50% des sondés connaissent des personnes qui portent des prothèses.



Lorsqu’il s’agit du port d’une prothèse imprimée en 3D, on constate une écrasante majorité favorable à cela.



On constate cependant que l’avis est tres partagé lorsqu’il s’agit de s’améliorer ; On est en effet proche des 25% de sondés à chaque réponse. Il y a une cependant une légere tendance qui est relativement contre.



Dans le cas d’un remboursement éventuel par la mutuelle, on constate que peu de gens sont totalement défavorable à cette idée. Cependant, une majorité préfere que ces remboursement ne soient dédiés qu’au personne qui doivent porter une prothèse après un accident.



Dans le cadre du sport, la grande majorité des gens ne sont pas interessé par l’amélioration des athlètes, certains nous signalent dans les commentaires qu’ils ne voient pas tout simplement l’intêret.



Enfin, il y a une majorité écrasante contre l’amélioration des personnes de moins de 16 ans. Il en ressort que les sondés pensent qu’il faut une certaine maturité pour se faire améliorer.


Par la suite, nous avons analysé les corrélations entre les réponses.


Il en ressort que les avis sont tres diversifiés car les corrélations sont relativement peu élevees : chaque sondés a répondu différement. En effet, aucune corrélation dépasse 0.5 en valeur absolue. La plupart étant également proche du 0.


Certaines corrélations ressortent cependant. La corrélation entre le fait d’être favorable à l’amélioration et la volonté de permettre un remboursement de la mutuelle, que ce soit dans un but médical ou dans un but d’amélioration, est d’environ 0.4 pour les deux choix. Cela peut s’expliquer, dans le cas d’une amélioration, par le fait que les personnes contre les améliorations seront contre un remboursement et inversement.


Dans le cas d’un remboursement, cela peut s’expliquer que les personnes contre les améliorations sont quand même favorable à une médecine.


Enfin, il y a également une corrélation proche de 0.4 pour le fait d’être favorable à l’amélioration, et le fait d’être favorable à l’amélioration dans le sport et pour les personnes de moins de 16 ans.


Cela peut s’expliquer par le fait que si quelqu’un est contre l’amélioration en général, il le sera évidemment aussi dans le cadre du sport et chez les enfants.


Synthèse des commentaires des sondés



Globalement, les commentaires sont favorables à l’utilisation de l’impression 3D d’organes et de prothéses dans un but médical.


Cependant, la majorité des commentaires ont cependant des reproches à faire à l’utilisation de cette technologie quand il s’agit d’amélioration. Certains sont même vocalement contre ca. Par exemple, un sondés a répondu :

« A utiliser pour sauver des vies, un membre, retrouver de l autonomie
mais pas pour faire des "hommes robots" juste pour dépasser les limites »




Il en ressort qu’il y a, pour certaines personnes, des certaines limites qui sont évidentes. En effet, les commentaires qui vont dans le sens du commentaires ci-dessus ne justifient pas leurs avis.


Certains commentaires, par contre, donnent des reproches plus précises et s’inquietent des dérives possibles de la technologie.


Pour certains, les améliorations créeraient des inégalités entre les personnes qui ont acces à cette technologie et ceux qui ne l’ont pas. Un commentaire à également dit :

« Si je ne m'améliore pas, d'autres s'amélioreront et je deviendrai "mauvais". C'est ça le risque »




Il y a donc une certaine peur d’une sorte de compétition ou il faut s’améliorer pour rester au niveau.


Aussi, notre question sur le sport a fait réagir plus d’un : certains sondés ont répondu qu’ils ne voiaient pas l’intêret des améliorations dans ce cas la, l’intêret étant justement dans le dépassement des limites naturelles par les athlètes.


Un sondé a même comparé cela à du « dopage ». Enfin, certains sondés ont répondu que cela allait changer la perception de l’ordre naturel et du genre humain.










AVIS DES EXPERTS



Antoine Letellier est ergothérapeute en neurologie aux centres ISoSL. L'ergothérapeute travaille sur la rééducation, la réadaptation et la réhabilitation physique, mentale et psycho-sociale dans le but de permettre aux personnes souffrant d'un déficit, d'un handicap ou d'une incapacité à retrouver, conserver ou acquérir les capacités nécessaires à assurer son autonomie et son indépendance.


Tu travailles principalement avec des personnes qui suivent une rééducation après la pose d’une prothèse, quelles sont les difficultés qu'elles rencontrent lors de leur rééducation ?

Les difficultés sont principalement liées aux douleurs post-opératoires. Dans le cas d'une amputation par exemple, il faut attendre la cicatrisation du moignon et la diminution des douleurs post-opératoires (ainsi que des éventuelles douleurs du membre fantôme) avant d'envisager l'utilisation d'une prothèse externe. Les difficultés sont parfois mécaniques : la forme du moignon peut se modifier avec le temps et ne plus convenir au moule qui avait été fait sur le moignon à l'origine (pour l'installation de la prothèse).


En général, que penses-tu de l’impression 3D pour le corps humain ?

L'impression 3D a certainement un grand avenir dans le domaine médical. Actuellement nous utilisons déjà beaucoup de matériel de substitution à des parties du corps humain (ex : Prothèse de hanche en céramique, pacemaker en matières métalliques pour électro-stimuler le myocarde, prothèses bioniques avec des capteurs sensitivo-moteurs pour la main, ...). Le fait de pouvoir créer des parties précises du corps humain à l'aide de l'impression 3D telles que des os ou un cœur semble novateur et promet certainement des résultats positifs dans le domaine médical. Éthiquement parlant cela ne devrait pas poser plus de soucis que ce que nous faisons déjà actuellement pour substituer des parties de corps humain. En revanche, un souci éthique pourrait naître lorsque cette technologie visera à apporter des améliorations physiques à l'être humain, en fonction des avantages que celle-ci pourra apporter aux uns au détriment des autres.


Est-ce que tu améliorerais tes capacités physiques si tu le pouvais ?

Non, dans le sens où je ne vois pas le réel intérêt de cette technologie d'amélioration. Nous avons déjà pu constater les dégâts de certaines technologies visant à améliorer les capacités de l'être humain (produits dopants, drogues, hormones) et leurs effets négatifs sur la santé de celui-ci. Sur base des faits existants, je ne suis pas intéressé par les diverses améliorations possibles pour l'être humain, même si la technologie est différente.


Quelles répercutions pourrait-il y avoir sur ton métier si l’impression 3D devenait un outil utilisé quotidiennement dans le domaine médical ?

Des répercutions immenses ! En commençant par un renouvellement des connaissances à propos d'une telle technologie (formations, apprentissages) et le développement de nouvelles stratégies de rééducations concernant ce matériel. Mais également le renouvellement des bases de données chiffrées sur les performances de l'être humain muni d'une technologie d'amélioration, le renouvellement (éventuel) du matériel de rééducation adapté aux nouvelles performances et bien d’autres choses.


Si toutes les blessures sont réparables, est-ce que les sportifs ne vont pas devenir plus imprudents dans la pratique de leur sport ?

Je pense que les sportifs tenteraient certainement de pousser leurs limites de plus en plus loin et prendraient donc plus de risques pour battre de nouveaux records. La plupart des blessures sont déjà en grande partie réparables. Le réel frein pour les grands sportifs concerne surtout le temps de récupération de ces blessures et la récupération de la totalité de leurs capacités physiques.



Stanislas Deprez est docteur en philosophie et diplômé en sociologie et en anthropologie. Il est chercheur associé au sein de la chaire Éthique, Technologie et Transhumanismes. Ses travaux portent sur l’anthropologie philosophique et l’épistémologie des sciences sociales. Il est membre du comité de lecture et du conseil scientifique de la Revue Philosophique. Il donne des cours de philosophie de l’homme, sociologie, épistémologie, histoire de la philosophie et philosophie politique.​


Selon vous quelle est la définition du genre humain pour le moment ? Faudra-t-il redéfinir cette notion si les humains s’améliorent ? Ou faudra-t-il définir un nouveau genre ?

La biologie a montré, depuis Darwin, que le principe d’espèce est devenu une notion fluctuante. Avant lui, nous pensions que même si chaque individus d’une espèce varient les uns par rapport aux autres, ils variaient toujours autour d’une norme. Darwin a montré qu’il n’existait pas de définition pour une espèce, juste une certaine population sexuellement compatible à un moment donné. Si l’on accepte les principes évolutionnistes, on ne peut donc pas prétendre à une définition fixe du genre humain.

Cette question se pose depuis le milieu du 20ème siècle avec les débats féministes qui mettent en avant la question homme-femme et la question de la nature humaine. Là où les détracteurs de ce mouvement invoquaient la nature humaine ou le rôle naturelle des genres, les défenseurs du mouvements prônait l’égalité pour tout être humain.

Un autre point très important pour cette question est le point de vue animaliste ou antispéciste. Il y a depuis 30 ans, des défenseurs des animaux qui disent qu’il n’y a pas vraiment de critère unique qui permet d’affirmer que les humains sont supérieurs aux animaux. De plus , comment doit-on considéré le possibles futurs chimères ? Si l’on modifie une souris pour qu’une oreille humaine pousse sur son dos, doit- on considérer cette souris comme humaine ?

En conclusion , selon le transhumanisme il ne faut pas s’encombrer de cette notion de nature humaine dépassée et il faut expérimenter.


SI le transhumaniste n’est pas bien réparti parmi la population dans le futur , ne risque-t-on pas d’avoir une catégorie de personne qui se détache de la population et qui voit les êtres non augmentés comme les humanistes voient les animaux pour le moment ?

C’est une dérive possible qui pourrait arriver plus tôt qu’on ne le pense. Déjà maintenant nous avons des meilleurs conditions de vie dans les pays occidentaux que dans certains pays d’Afrique par exemple. La pandémie du covid-19 nous l’a bien montré. Nous avons pu confiner une large partie de la population dans notre pays mais pour la plupart des habitants de pays défavorisés , ne pas sortir signifierait ne rien avoir à manger.

Les transhumanistes ont beaucoup réfléchis à ces questions notamment autour de 2 grandes écoles. Le libertarianisme qui prône la liberté pure dure sans coercition collective y compris liberté sur son propre corps , la liberté de prendre des drogues et de se couper les jambes pour se les faire remplacer par des prothèses si l’on en a envie. Dans ce scénario les plus entreprenants, les plus riches et les plus chanceux pourront choisir toutes les améliorations qu’ils veulent et pour le reste de la population c’est leur problème. Dans ce cas on verrait apparaître une société à 2 vitesses avec d’un côté des gens très riches et ceux assez compétents pour s’auto-améliorer et de l’autre tout le reste de la population qui deviendraient assez rapidement des sous-humains.

Mais selon l’ancien président d’humanity+ ( une association transhumaniste) la plupart des transhumanistes n’adhèrent pas à cette école de penser. Ils pensent également que les riches auront les meilleures améliorations à court terme mais ils croient également que les prix des augmentations finira par baisser et qu’il est important que les états mettent en place des structures permettant à toute personne qui le souhaite de se faire augmenter.

Cela ne résous pas le problème mais au moins les transhumanistes en sont très contient et réfléchissent à des solutions possibles.


Est-ce que vous pensez qu’il faut mettre des régulations et quel genre de régulations imagineriez-vous pour éviter une ségrégation sociale entre différents humains ?

Le role de l’état serait de faire en sorte que des individus n’alterent pas gravement leurs santés et surtout la santé de ceux qu’ils sont responsables par des transformations irréversibles. Cependant, le discours des transhumanistes est qu’aucune transformation n’est vraiment irréversible, raisonemment assez naif et irréaliste. Il faut donc pour lui des organismes qui informent des dangers possibles, voire qui interdisent. Il n’y a cependant pas vraiment de problème la face à des adultes majeurs, vaccinés et sain d’esprits et tant que cet individu ne force pas d’autres à le faire. Cela est par contre plus problématique pour les enfants mineurs d’ages, parce que beaucoup de transhumanistes souhaitent également modifier également leurs descendants, de manière génétiques ou avec dispositifs. Il est donc contre les transformations irréversibles si c’est sur des enfants. L’opinion contraire n’est cependant pas irrecevable. En effet, l’éducation des enfants n’est pas quelque chose de réversible : on a tous appris une langue qui est notre langue maternelle : ce n’est pas quelque chose de réversible. C’est cependant quelque chose que l’on trouve normal : il serait impensable de ne pas enseigner une langue à un enfant pour qu’il choisisse la sienne une fois majeur. L’argument serait donc : si c’est normal pour la culture, pourquoi on interdirait des manipulations plus médicale ?

En résumé : si un individu majeur, vacciné et sain d’esprit exprime une volonté de transformer son propre corps, cela ne regarde que lui. Cela est par contre beaucoup plus problématique si l’individu est mineur. C’est un problème qu’il compare au problème de l’euthanasie.

Cependant, cela souleve une autre question. Cela ne pose pas de problème que des individus modifient de manière irréversible leurs corps s’ils sont majeurs, vaccinés et sains d’esprits mais cela souleve un autre probleme : qu’est-ce vraiment sains d’esprit ? Un exemple serait celui de Jocelyn Wildenstein, une femme qui s’est tournée vers la chirurgie esthétique afin d’avoir une apparence plus féline. On aurait tendance à considèrer « qu’elle n’est pas toute juste dans sa tête » Apres, cela ne nuit à personne et ne concernet uniquement elle, donc il n’y a pas vraiment de problème en soi, mais on peut se demander ou la limite doit être mise.

Pour conclure la question en parlant de l’impression 3D dans le cadre des prothèses par le fait qu’on peut imaginer qu’on puisse avoir chez soi des imprimantes personelles qui peuvent imprimer des prothèses voire même des organes. Il y a un danger intellectuel ou des individus se contrôlent eux-même sans contrôle.

D’un point de vue utilitariste, faut-il réguler, voire interdire, les chirurgiens non améliorés ?

Le fond de la question est tres interessant et pertinent, mais peut-être pas l’exemple. Ici, on considere que le chirurgien remplace ses mains par des mains beaucoup plus précise. Dans ca se passait comme ça, il faudrait effectivement aller dans le sens de cette question. On constate cependant qu’il existe des outils de chirurgies qui permettent à des chirurgiens même maladroit d’opérer sans problême. Dans ce cas, la nouvelle étape serait de remplacer totalement l’homme par une machine.

Le fond de la question est cependant pertinent : pour le bien de la société, quelles améliorations devraient être mises en place ? Il y a deux écoles de transhumaniste. Certains disent que l’avenir est l’hybridation humain-machine. D’autres disent que l’avenir est une machine externe et un dispositif de commandes.

Quoi qu’il en soit, une société serait obligé de favoriser les meilleurs dispositifs pour le bien être de la population, voire même parfois, dans certaine situation, à l’encontre du souhait des individus. Pourquoi ? Cela est comparable aux vaccins : des maladies éradiquées en Occident sont réapparues à cause des personnes « antivaccins » . L’état devrait imposer dans ce cas imposer le vaccin, même à ces gens antivaccins.


Pour revenir à l’amélioration dans les différentes professions, on pourait se dire que les policiers doivent être améliorés pour me se protéger et autre. Mais ne risquons-pas d’aggraver les problèmes déjà éxistant, comme celui de la violence policière ou même dans d’autres métiers ?

On peut regarder ce qu’il se passe avec les caméras et logiciels de reconnaissances en Chine, mais il n’y a pas de raison que ca se passe d’une manière ou d’une autre en Europe ou en Amérique avec des sensibilités différentes. Les chinois semblent considérer que cette surveillance est une bonne chose car on met en avant le bien être de la collectivité avant celui de quelques individus. Un autre aspect, plus américain et anglais et liés à ces systèmes de reconnaissances est un système de reconnaissance faciale reliée à une base de données et qui permet de reconnaitre d’éventuels suspects. Les détracteurs seront d’avis qu’il risque d’y avoir des délits de sale gueule, ce qu’il se passe par ailleurs aux Etats-Unis envers les personnes noires car c’était des personnes blanches qui avait développés ces systèmes. C’est donc un vrai risque. Les défenseurs de ces systèmes répondent cependant que la situation est pire sans ces systèmes. On ne les a pas attendu pour qu’il y aie des bavures policières. La question dans ce cas la est la suivante : est-ce que la technique, à elle seule, augmenter ces bavures ou la réduire ? Rien n’est sur. Ce qui est sur, cependant, c’est que la reconnaissance sera beaucoup plus systématique, ce qui va réduire les libertés. Il faut peut-être alors refuser ces systèmes au non de la liberté, mais pas au non de l’utilitarisme.


Si les policiers deviennent améliorés, est-ce qu’une crainte et une haine envers ces derniers vont apparaitre ?

Oui, c’est un risque. On le voit déjà aujourd’hui dans les quartiers sensibles en France. On a vu une augmentation de la violence dans les cités française apres le démantelement des policiers de quartiers. C’est aussi dû au fait que les policiers ne connaissaient pas les habitants de ces cités, ils étaient donc plus sensibles aux provocations, plus méfiants envers la population et plus enclins à réprimer, ce qui augmente la violence.

On a également vu cela lors de la seconde guerre en Iraq. Lors de cette guerre, en ce qui concerne le contrôle de la population, la stratégie était totalement différente pour les Américains et pour les Anglais. Les Américains arrivaient systématiques avec leurs armes dégainées, prêts à tirer. Les anglais, quant-à eux, arrivaient avec leurs armes rangées. Le contact avec la population était bien meilleur pour les soldats anglais que pour les soldats américains, ce qui est un peu évident au final. Au final, quand les policiers semblent utiliser d’avantage des moyens coercitifs, on a tendance à se méfier d’avantage et il y a une augmentation de la violence.

Un autre risque serait que les gens s’améliorent eux-mêmes également. On pourrait s’imaginer des prothéses avec des armes integrées par exemple, dans le but de contrer des policiers eux aussi augmenté. Le lien avec le transhumanisme serait ici au niveau de l’impression 3D. Il existe aujourd’hui des plans qui permettent d’imprimer en 3D un simple fusil, en plastique mais fonctionnel. Ce n’est pas une prothése, mais c’est aussi une réalité des imprimantes 3D. Les législations interdisent evidemment cela, mais ca n’est pas suffisant car on peut quand même le faire.


On a remarqué via notre sondage qu’une partie de la population est contre le transhumanisme, mais ne le justifie que très peu, comme si cela relevait de l’évidence. Pourquoi cela ?

Une hypothése serait qu’il y aie une peur de l’intrusion. Si les gens sont content de ce qu’ils sont, ils seront reluctant à ces améliorations. Apres, la réponse peut changer en fonction de la perception du terme « amélioration » par les sondés. Un exemple bête serait celle de la vue, je suis porteur de lunette. S’il existait une amélioration me permettant d’avoir une très bonne vue, je ne serai pas contre. Je signerai même tout de suite si une amélioration me permettait de lire une dizaine d’heures sans problème. Cela sera peut-être une autre vision pour quelqu’un dont la vision n’est pas la même. Qu’est-ce qu’on imagine donc derrière le terme « amélioration ».

Pour donner un autre questionnaire, la question était « voulez-vous vivre éternellement ?». À cette question, la grande majorité des gens répondent non. Si on demande cependant « voulez-vous bénéficier vous et vos proches, d’une vie en bonne santé et plus longue ? », l’immense majorité des gens répondent oui. Ce sont cependant deux questions très proche.

Une autre hypothèse serait qu’il y a un certain attachement à une nature humaine. Si l’imaginaire serait qu’on devienne un « homme-robot », et non un simple être humain, cela peut faire peur.

Enfin, la grande force des transhumanistes seraient de dire que la technique avance par petit pas. Aujourd’hui, c’est un peu abstrait de dire au gens qu’ils pourront vivre 200 ans. Par contre, si on propose un peacemaker à une personne cardiaque, il voudrait bien et pourra vivre plus longtemps. Pour les transhumanistes, les limites ne sont pas modifiées d’un coup mais bien petit à petit. Insensiblement, on arriverai à un être humain qui vivrait 200 ans.














NOTRE CONCLUSION


Après cette analyse plus que complète, nous pouvons tirer plusieurs conclusions.

Premièrement, l’impression 3D appliqué au corps humain a de très beaux jours devant elles. Les recherches se poursuivent et leurs résultats sont probants. L’impression 3D va arriver petit à petit dans le domaine médical.

Deuxièmement, pour la majorité des personnes et des analyses éthiques, il est intéressant de développer l’impression 3D pour permettre des meilleurs soins et un coût plus faible dans ceux-ci.

Cependant, les avis sont beaucoup plus mitigés concernant les améliorations possibles que pourraient apporter cette technologie. Le sondage, les 2 experts et les 3 analyses éthiques montrent que si cette technologie se développe et tends vers le transhumanisme, il suivre avec attention son évolution.

Enfin, le développement de cette technologie pourrait bouleverser notre vision du monde, il est donc normal que des réticences apparaissent au sein de la population et il faudra, sans doute, que les états régissent cette progression par des lois médicales, sociales et éthiques.










NOTRE EQUIPE



Abderrahmen

Abderrahmen

ABDOUN

Abderrahmen.ABDOUN@student.umons.ac.be

Samy

Samy

BAKKOUCHE

Samy.BAKKOUCHE@student.umons.ac.be

Arnaud

Arnaud

PRZYSIUDA

Arnaud.PRZYSIUDA@student.umons.ac.be

Corentin

Corentin

SCULTEUR

Corentin.SCULTEUR@student.umons.ac.be






"L’homme qui vivra 1 000 ans est déjà né."

Laurent Alexandre, 27 mai 2016, dans En 2050, les gens avec moins de 150 de QI ne serviront à rien, Nom de Zeus'.